Dernier verre avec Parades
Entretien Sarah Arnold, réalisatrice de Parades
Comment vous est venue l’idée de la rencontre et de l’enlèvement de Parades ?
J’avais envie de faire se rencontrer l’ordre et le désordre, confronter la loi à la désobéissance. L’enlèvement de Lionel et le coup de massue qu’il se prend, c’est celui de l’anarchie qui assomme la loi.
Comment avez-vous construit ces deux personnages ?
Qu’est-ce qui vous plaisait dans leurs personnalités particulières ?
J’ai construit ces personnages sur la base de l’antithèse. Un homme-oiseau qui sait siffler mais qui ne sait pas parler et une femme-poisson dont les mots sont autant de cailloux jetés à l’eau. L’idée était de faire se rencontrer deux personnages que tout oppose et qui ne cadrent pas avec la normalité. Deux personnages handicapés de la réalité, inaptes au monde. Margot ne trouve plus sa place dans la société parce que son niveau d’exigence et son idéal de justice est excessif. Elle a tellement espéré pouvoir changer quelque chose que son impuissance l’a fêlée. Sous ses allures de semi-remorque, sa détresse est réelle et cette histoire de poisson oracle est le signe qu’elle s’éloigne des rivages de la raison. Lionel, au contraire, a besoin de l’ordre pour exister. Être guide lui permet de ne pas communiquer avec ces humains qui lui font peur. Je voulais que sa passion ornithologique soit également une fuite pour lui. Finalement, ce sont deux personnages qui, faisant un pas l’un vers l’autre, font un pas vers la réalité.
Aimez-vous particulièrement les espaces naturels ? Pensez-vous qu’il faille les protéger et pour vous, jusqu’où la protection peut-elle aller ?
Oui, j’aime particulièrement les espaces naturels mais ils me font peur aussi. Tous mes films se passent à la campagne, alors que j’habite en ville. Pour moi, un décor naturel est plus propice à s’éloigner d’un certain réalisme et il me permet d’aborder les questions qui m’intéressent avec plus de liberté. Par contre, dans ce film, l’espace n’est pas naturel. C’est un lac artificiel que j’envisage comme une métaphore du monde. On y rase les minorités en vue de faire du profit, sous couvert de bonnes intentions. Je suis reconnaissante aux personnes qui se battent à Notre Dame des Landes, en Val de Susa (Italie), à Bure dans la Meuse et partout ailleurs, pour protéger ce qui devrait l’être par l’État et l’Europe. Naïvement, sans doute, j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi il en revient aux citoyens de défendre ces espaces naturels alors que ça devrait s’inscrire dans une volonté politique. La protection d’un espace naturel n’est pas qu’une question d’écologie, c’est une question de liberté.
Avez-vous une fascination particulière pour les oiseaux, leurs parades et/ou leurs chants ?
C’est drôle, le premier titre du projet était J’aime pas les oiseaux. Non, je n’ai pas d’attrait particulier pour les oiseaux. Je ne les connais pas suffisamment. Je ne comprends pas leur langage, je les trouve dénués d’émotions, ils ont des yeux ronds et froids… Par contre, j’ai regardé beaucoup de vidéos de parades nuptiales et j’ai été fascinée par certains plumages, certaines denses. Le plumage du paradisier, par exemple, produit un masque qui semble humain. Ceux-là ont quelque chose de « chamanique », je trouve ! Mais le grèbe huppé dont il est question dans le film n’est pas très beau. Il ressemble à une brosse pour les WC… Ce qui m’intéressait, c’était de m’inspirer du burlesque animal.
Êtes-vous intéressée par la thématique des relations humaines et envisagez-vous de faire d’autres films sur ce thème ?
Chaque film n’a-t-il finalement pas pour thème les relations humaines ? Je travaille actuellement à l’écriture d’un long métrage qui se passe à nouveau en milieu rurale et dans lequel la présence animale tient encore une fois un rôle important. Globalement, la question qui m’intéresse chez mes personnages c’est « quelle est la part de sauvage qui perdure en nous » et comment cette part résonne-t-elle entre nous ?
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
La liberté de ne pas me poser la question du public. Je me suis toujours adressée au public, mais cette absence de pression quant au nombre d’entrées que doit faire le court métrage fait que je me sens libre de suivre mes intuitions et de ne pas trop me demander si ça va plaire ou non. Le court métrage permet de tester des choses et donc de se mettre en danger. Avec Parades par exemple, je voulais me confronter aux dialogues et à la comédie à travers un jeu « très composé » à la manière des films de Hal Hartley. Je souhaitais aussi travailler le ridicule et la satire sans savoir si j’allais y arriver. Pour moi, le court métrage permet d’avancer avec créativité, intuition, curiosité et j’espère pouvoir continuer comme ça pour mes prochains projets.
Si vous êtes déjà venue, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est la première fois que je viens au Festival de Clermont-Ferrand. J’espère y voir des films qui nourriront mon travail, y rencontrer des professionnels et des artistes avec lesquels sympathiser et rencontrer le public pour échanger sur les différents films des programmations.
Pour voir Parades, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.