Breakfast avec Pourquoi j’ai écrit la Bible
Entretien avec Alexandre Steiger, réalisateur de Pourquoi j’ai écrit la Bible
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à la fin de vie du père ?
Francis, le père, envisage la maladie et la mort comme un jeu. Dans une certaine mesure, il n’opère aucune séparation entre le royaume des vivants et celui des morts. Il existe pour lui une forme de continuité. La vie comme la mort sont intimement liées pour Francis, qui les considère toutes les deux comme des illusions. Une vaste plaisanterie. Il y a, à la fois, quelque chose de choquant dans son comportement, et quelque chose d’extrêmement ludique, presque joyeux. Ce qui m’intéressait, c’était la manière dont il obligeait ses enfants à se positionner malgré eux. La question que pose le père est de savoir si on a le droit de concevoir sa mort comme on veut, de la même manière qu’on peut inventer sa vie.
Pourquoi et comment avez-vous conçu les intermèdes musicaux ?
Avant même de tourner, je voulais déjà que nous puissions enregistrer la « chanson ratée » du père, afin de pouvoir la passer en direct sur le plateau. C’était, pour moi, le premier édifice. Elle devait donner la tonalité du film, à la fois décalée, poétique, et pathétique.
Pour le reste je savais que je voulais de la musique baroque : du Bach et du Telemann. Je cherchais un frottement avec le côté un peu punk-rock de Francis, qui pouvait lui donner une dimension plus intemporelle. Verticale.
Aimez-vous particulièrement les personnages fantasques et le fait de ne pas laisser le rationalisme dévorer le
quotidien ?
Disons que dans ma propre vie, le fantasque fait souvent irruption dans mon quotidien. Par exemple, ce personnage qui se prend pour Jésus et se croit poursuivi par Paris Match, je l’ai réellement croisé à la sortie d’une pièce de théâtre. J’ai plutôt l’impression qu’au cinéma, on ne rend pas assez compte de la folie du réel. Dans la vie, les gens sont globalement fou.
Comment avez-vous créé le mur de projets et la « chanson ratée » du père ?
C’était d’abord venu d’une idée que j’avais eu de réaliser chez moi un tableau de tous mes échecs passés, que je n’ai jamais pris le temps de réaliser au final. Et puis cette idée m’est revenue tardivement, en écrivant le film. Au départ, je songeais à utiliser un cadre. Un véritable tableau. Puis en faisant les repérages, je suis tombé sur cette pièce délabrée avec ce mur en décomposition, et je me suis dit que c’était ce mur qui devait servir de tableau en lui-même. J’ai eu la chance de tomber sur Johanne Carpentier, ma décoratrice, qui disposait d’un entrepôt dans lequel nous avons pu aller piocher tous les éléments nécessaires à la composition.
Concernant la « chanson ratée », j’avais écrit un texte qui semblait parfaitement raté et avec Christian Bouillette, le comédien principal, nous sommes allés l’enregistrer dans le studio de notre ingénieur du son. Nous nous sommes amusés à essayer une dizaine de versions, plus improbables les unes que les autres. Notre choix s’est arrêté sur une simple voix parlée, sur un synthétiseur un peu minable et une boite à rythme qui donnait au tout un côté Daniel Johnston Français.
Aimez-vous particulièrement la thématique des rapports parents-enfants, et envisagez-vous de faire d’autres films sur ce thème ?
Oui, c’est un thème qui me tient à cœur. La cellule familiale est à la fois un lieu de protection et un monstre dont on peine à s’échapper. C’est un sujet inépuisable. Je ne sais pas encore si mon prochain film traitera des rapports parents-enfants, mais le spectre familial rodera certainement…
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
La principale liberté, c’est d’avoir pu choisir les acteurs que je voulais, ce qui aurait été impossible économiquement parlant pour un long métrage. L’autre liberté, c’est d’avoir la possibilité de développer un univers et un mode narratif qui ne réponde pas à une logique commerciale. Le court métrage, en ce sens, reste un endroit où la poésie (qui n’est rien d’autre qu’un point de vue singulier sur le monde) est encore possible.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est la première fois que je suis invité au Festival. Avant tout, c’est une joie d’y participer et de savoir que mon film pourra être vu. C’est un évènement important. Il y a aussi le plaisir de découvrir d’autres films, d’autres univers, d’autres réalisateurs.
Pour voir Pourquoi j’ai écrit la Bible, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.