Lunch avec Prints (Traces)
Entretien avec Jack King, réalisateur de Prints (Traces)
Qu’est-ce qui vous plaisait dans cette idée d’empreintes, de traces de pas pour l’intrigue et le titre du film ?
Je pense qu’au départ, c’était tout simplement l’image qui me plaisait, mais plus j’y réfléchissais et plus cela semblait coller au thème, à plusieurs niveaux, et l’idée s’est intégrée au tissu narratif. Comme je viens de Grande-Bretagne, je n’ai pas l’habitude d’être dans un endroit (Hokkaido) où il neige, et encore moins où je découvre en me réveillant un tapis blanc immaculé qui recouvre les traces de pas et de pneus de la veille. C’était comme de mettre les compteurs à zéro, comme si la veille n’avait jamais existé, et j’ai trouvé cela pertinent dans un film qui parlait de la démence et de la perte de la mémoire : le passé récent qui s’efface.
L’histoire s’inspire-t-elle de quelqu’un de votre entourage ?
Personne en particulier, mais j’ai travaillé dans le passé avec des personnes âgées et je pense que cette histoire m’est venue à cause des pressions et des émotions que l’on rencontre à s’occuper de personnes âgées ou d’un membre de sa famille. Cela me trottait dans la tête depuis longtemps, mais je n’avais pas trouvé d’angle intéressant pour en parler, et surtout pas de façon brève et succincte ! Puis en faisant des recherches sur ce thème quand j’habitais au Japon, je me suis rendu compte que c’étaient surtout les filles qui s’occupaient des parents âgés, des femmes d’un certain âge donc : et j’ai trouvé que le fait de sacrifier sa chance d’être mère pour s’occuper d’un parent avait quelque chose de particulièrement beau et noble, mais aussi de très attristant.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours de réalisateur ?
Bien sûr. Je suis autodidacte, j’ai fait mes armes en réalisant des vidéos musicales pendant plusieurs années, une façon d’apprendre le métier et de s’amuser avec le côté visuel. Puis je me suis tourné vers le court métrage, avec plus ou moins de bonheur, en apprenant de mes erreurs ! En ce moment, je me concentre sur l’écriture, en essayant d’écrire des projets que j’ai vraiment envie de faire mais qui soient courts et réalisables avec un petit budget… Cela occasionne bien des migraines dans ma vie, mais je dois aimer ça, sinon je ne serai pas là à vous écrire !
Pour quelle raison l’histoire se passe-t-elle au Japon ?
La raison principale est que l’idée du film est inspirée de la légende japonaise de « Ubasute Yama », ce qui veut dire grosso modo « la montagne où l’on jetait les grand-mères », l’histoire d’une montagne où on l’abandonnait et laissait mourir les personnes âgées dont les jeunes générations ne pouvaient plus s’occuper. J’ai trouvé que c’était là un dilemme très fort au niveau émotionnel, de devoir choisir entre soi-même et ceux qui nous ont élevés, et j’ai voulu faire un film sur une personne forcée de faire ce choix. Je pense que cette histoire est particulièrement pertinente au Japon, où la population vieillit considérablement ; il était donc logique de faire le film là-bas.
Avez-vous des projets de longs métrages ?
Tout à fait. J’ai écrit un long métrage et je me lance en ce moment dans l’écriture d’un autre long pour faire des demandes de financement. J’aime bien cette phase d’écriture, je ne suis pas pressé de les réaliser, j’ai envie de faire d’abord un ou deux courts métrages cette année et de m’entraîner au métier de réalisateur avant de me jeter à corps perdu dans un grand projet.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Carrément. C’est super important de pouvoir faire des courts métrages et d’avoir la liberté de faire ce qu’on veut. À chaque fois, j’essaye des choses différentes, et je suis de plus en plus sûr de ce que je veux dire et de la façon dont je veux le dire. Je vois ce qui marche et ce qui ne marche pas. J’apprends à écouter mes tripes quand il le faut. Ou bien à écouter les autres. Et même si le but ultime est de réaliser des longs métrages, faire des courts me rappelle la vraie raison de le faire, et me garantit que la passion ne me lâchera jamais.
Pour voir Prints (Traces), rendez-vous aux séances du programme I13 de la compétition internationale.