Dîner avec Qu’importe si les bêtes meurent
Entretien avec Sofia Alaoui, réalisatrice de Qu’importe si les bêtes meurent
Pourquoi ce choix de titre ?
Le titre du film s’est imposé avant même l’écriture du scénario, quand j’ai commencé à m’intéresser à l’Univers, à la vie extraterrestre. Je trouvais qu’il y avait dans ces sujets quelque chose qui dépasse les questions matérielles, quotidiennes auxquelles on peut être confronté. Les « bêtes » du titre ramènent à quelque chose provenant de la terre et je crois que le titre provoque un élan vers ailleurs. C’est un peu l’intention de départ, de regarder ailleurs…
Que se passe-t-il dans le ciel ? Ou est-ce à nous de supposer ce qui s’y passe ?
Je ne préfère pas en parler ! C’est un peu la question que mon personnage se pose et c’est ce qui va le bouleverser quand il va découvrir de quoi il s’agit. Ce qui se passe dans le ciel est un prétexte pour confronter mon personnage (et les autres bien sûr), à la découverte d’un nouveau monde inconnu qui paraît d’abord effrayant car il questionne toute une façon de penser.
Qu’est-ce qui vous a poussée à raconter cette histoire ?
J’ai grandi au Maroc, un pays où le dogme est très présent (et pas seulement dans la sphère religieuse). C’est compliqué de douter, de remettre en question la conviction partagée par le groupe. La question de la vie extraterrestre m’a toujours fascinée, car elle permet de questionner nos certitudes et vérités absolues. Est-ce que l’existence des extraterrestres avérée changerait notre façon de croire ? J’avais dès le départ envie de raconter une histoire qui n’affronte pas brutalement ces questions. J’aime un cinéma qui flirte entre les genres, entre documentaire et fiction, entre poésie et brutalité dans la mise en scène. Il y avait également le désir de raconter une histoire qui se déroule dans un petit village isolé de l’Atlas (massif montagneux marocain). Je trouve que ces décors désertiques racontent aussi beaucoup de choses. Au départ, en effet, il y a eu la convergence de plusieurs envies, à la fois esthétiques et de fond, qui ont fait que je me suis dit : « bingo, j’ai trouvé un film ».
Comment s’est déroulé le tournage ?
Le tournage s’est très bien passé sur de nombreux points : une entente artistique avec mon chef opérateur Noé Bach qui a fait qu’on formait une belle équipe, j’avais une super scripte, une assistante réalisatrice de folie et puis travailler avec des acteurs qui étaient non-professionnels, c’était un immense plaisir. Je testais une manière de travailler et de diriger les acteurs sur ce projet. Ils n’avaient jamais lu le scénario. Je leur racontais avant de tourner ce qu’il se passait et ce qui se jouait dans la scène, dans quel état émotionnel le personnage se trouvait. C’était vraiment intéressant pour moi. D’ailleurs Fouad, l’acteur principal, m’a avoué qu’il réécrivait chaque soir sur un cahier les scènes qu’on avait tournées pour se faire le scénario du film qu’il ne connaissait évidemment pas. Un matin il vient me voir et il me dit : « franchement ça a l’air trop bien comme film, j’ai hâte de connaitre la fin ». La fin du film, évidemment, on la tournait le dernier jour. C’était un peu la surprise pour les acteurs. Mais à côté de ça, non, il faut avouer que le tournage a été une vraie bataille liée au fait qu’on tournait au fin fond de l’Atlas : on faisait des horaires de fous et puis parce que tout simplement que c’est compliqué de faire un court-métrage ambitieux au Maroc, il faut se le dire. Il n’y a pas beaucoup de courts-métrages professionnels au Maroc. Les gens sont habitués à faire des gros films américains donc tout de suite, ton petit court-métrage, tout le monde s’en fout un peu et les gens, quand ils voient une caméra, pensent que tu as de l’argent et veulent que tu les arroses. Même les blocages des rues, c’était un enfer ! Surtout que je voulais un village vide, déserté (alors que le village est vivant). Quand je revois certains plans, je pense à tout ce qu’on a fait pour les avoir, c’était vraiment de l’ordre du miracle. Il faut s’imaginer qu’il y avait parfois, je ne sais pas, une centaine de personnes derrière nous qui regardait le plateau, comme si c’était une scène de théâtre. Donc pour le son, vous imaginez bien qu’on a du tout refaire en post-production !
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je travaille sur mon premier long-métrage que j’ai développé pendant un an dans le cadre de l’Atelier scénario de la Fémis et en parallèle je développe ma première série avec Barney Production. Ce sont deux projets au Maroc donc c’est assez excitant !
Y a-t-il des libertés que le format court-métrage vous a apportées en particulier ?
J’ai réalisé plusieurs courts-métrages, vidéos et c’est vrai que j’ai l’impression que cela m’a appris à me connaitre en essayant d’expérimenter des choses. Mon rapport à la direction d’acteurs, à la mise en scène, aux autres techniciens sur un plateau a mûri au fil des projets. Je me sens aujourd’hui prête à passer à un format plus long !
Pour voir Qu’importe si les bêtes meurent, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8.