Goûter avec Roughhouse
Entretien avec Jonathan Hodgson, réalisateur de Roughhouse
Y a-t-il des éléments autobiographiques dans cette histoire ? Les amis sont-ils inspirés de gens de votre entourage ?
L’histoire s’inspire d’un épisode de la fin de mon adolescence, à l’époque où j’habitais en colocation à Liverpool. Certains personnages sont inspirés de mon entourage de l’époque, mais j’ai changé les noms et les physionomies pour qu’on ne puisse pas les reconnaître. J’ai aussi changé beaucoup de lieux et d’éléments de l’histoire, mais le fil psychologique est sensiblement le même. Nous étions tous bons amis au début, mais il y a eu un hic lorsque l’un d’entre nous, ne pouvant plus payer son loyer, s’est reposé sur ses colocataires pour payer sa part, sans rien faire en retour. Nous étions jeunes et naïfs, incapables de résoudre les problèmes avec maturité, et c’est ainsi que les choses ont vite dégénéré.
Pourquoi avoir choisi ce cadre et cette période ?
Je préfère faire des films qui parlent de ce que je connais plutôt que d’inventer des histoires. J’aurais pu choisir un autre cadre et une autre période, mais ça n’aurait eu que peu d’intérêt vu que je pouvais rendre mon récit bien plus intéressant et authentique en recréant visuellement un cadre que j’avais bien connu et qui m’avait profondément marqué.
Pouvez-vous nous parler de votre style d’animation ? Quelles sont vos influences, vos inspirations ?
Le style visuel du film s’inspire largement des dessins et peintures que j’ai réalisés durant mes études aux Beaux-Arts dans les années 1970, avec une grande influence des expressionnistes allemands. Ces dessins traînent encore chez moi et j’avais envie de les recycler, de leur donner une seconde vie. Le style de l’animation leur ressemble fortement, bien qu’il ait été impossible d’utiliser des techniques de dessin analogiques. Au contraire, je me suis amplement servi de logiciels tels que TV Paint, Photoshop et After Effects. Pour ce qui est de la couleur, je me suis inspiré des techniques de gravure comme la sérigraphie et la lithographie, qui utilisent une palette limitée de couleurs transparentes, en superposant deux couleurs pour en créer une troisième. La plupart des scènes ont chacune leur palette tirée de deux couleurs, par exemple vert et rouge, ou orange et bleu. Le choix des couleurs reflète le contenu émotionnel de la scène : les scènes joyeuses ont des couleurs plus vives, plus chaudes, tandis que les scènes tristes tendent vers les couleurs froides et pâles. La seule exception à cette règle est la scène de la fête, qui emprunte les tons de mon film d’étudiant Nightclub, que j’avais peint aux colorants alimentaires à l’époque, n’ayant pas les moyens d’acheter des encres de couleur. L’histoire de Roughhouse repose énormément sur les dialogues, avec un gros travail de synchronisation labiale, il a donc fallu utiliser une animation plus traditionnelle que sur mes autres films. J’ai collaboré avec une équipe d’animateurs du Studio Train-Train, il fallait donc tout planifier plus précisément que d’habitude. Par exemple, les personnages devaient être développés en pré-production pour que les animateurs puissent bien les cerner, alors que si j’avais fait l’animation moi-même, j’aurais sans doute laissé faire les choses et improvisé au fur et à mesure.
Comment en êtes-vous venu à faire des films avec des collaborateurs français et britanniques ?
Depuis une vingtaine d’années, les subventions pour les courts métrages d’animation sont quasi inexistantes au Royaume-Uni. Il existe quelques dispositifs proposant de modestes sommes d’argent, mais n’ayant pas été sélectionné, j’ai décidé de financer mon film moi-même. J’ai travaillé dessus en pointillés pendant plusieurs années, mais je le remettais toujours à plus tard et il n’avançait pas. Lors d’un festival européen d’animation, j’ai remarqué que de nombreux films obtenaient des financements en France, je me suis donc mis en quête d’un producteur français. J’ai contacté Olivier Catherin qui a transmis ma demande à Richard Van Den Boom de Papy3D Productions, qui est devenu le producteur français de mon film. Comme j’avais déjà passé beaucoup de temps sur le projet avant d’obtenir les financements français, nous avons décidé d’en faire une coproduction franco-britannique, avec ma boîte Hodgson Films comme producteur britannique.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Mes films sont en général très personnels, j’ai donc une prédilection pour le format court métrage, qui m’offre plus de libertés en tant que réalisateur. Un film plus long exige un budget plus conséquent, et donc plus de gens qui voudront mettre leur grain de sel dans le processus créatif. De plus, quand on fait un court métrage, on peut se permettre de jouer un peu avec la technique et le récit. Plus le film est long, plus on doit appliquer les conventions cinématographiques traditionnelles comme la structure du récit et le développement des personnages ; le traitement visuel devra être plus détaillé pour éviter de lasser le spectateur, tandis qu’avec un court métrage, on peut jouer sur l’approximation et l’expressivité.
Roughhouse a été projeté en compétition internationale.