Lunch avec Shadow Nettes
Entretien avec Phillip Barker, réalisateur de Shadow Nettes.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la pêche et aux filets en particulier ?
J’aime la pêche. J’y vais souvent avec mon fils. C’est agréable d’être dans une barque, de discuter avec lui de choses et d’autres. Tous les deux, on imagine les poissons qui sont sous l’eau. Le monde aquatique m’attire et m’effraie à la fois. Je sens un lien entre ce milieu et mes pensées et désirs inconscients. Je suis loin d’être excellent pêcheur, et quand il m’arrive de prendre un poisson à la ligne, je préfèrerais que le poisson se décroche tout seul, pour ne pas avoir à me charger de cette tâche. J’aime le côté rituel de la pêche, le matériel, l’apprentissage de la technique. Les habitudes des poissons, comment découvrir où ils se cachent, partager ces secrets entre pêcheurs qui se font confiance… Tout cela a quelque chose de profondément mystérieux. Le filet m’attire par son côté diaphane, il laisse passer certaines choses mais en attrape d’autres, un peu comme un rideau de gaze au théâtre, ou un écran de cinéma qui nous renvoie la lumière, tel un miroir, mais de façon éphémère. Comme l’attrape-rêves des Indiens d’Amérique.
Vous êtes-vous partiellement inspiré du mythe de Narcisse ?
Pas consciemment, mais j’y ai pensé en filmant la scène de l’écho au bord du lac. J’adore les mythes qui tournent autour de l’eau (comme celui des cages de l’âme, que j’ai étudié dans mon film Soul Cages). J’aime tout ce qui parle de sirènes, de créatures aquatiques… Mais je n’aime pas que l’art ou le cinéma se contentent de les recréer. L’idée de créer un mythe à ma façon m’a permis de m’extraire de ce travail d’illustration et de réinterprétation.
Dans quelle mesure avez-vous voulu traiter de l’adolescence et comment avez-vous abordé la question de la transmission dans Shadow Nettes ?
C’est un thème important. Au début du film, quand Bo est allongé sur l’arbre, j’ai imaginé qu’il était en pleine transition vers l’âge adulte et qu’il commençait à se forger une nouvelle réalité bien à lui, à chercher son chemin. Et il devient véritablement adulte au moment où Da, le père, estime qu’il est temps de se sacrifier et de faire don de sa vie à son fils.
Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?
Le noir et blanc (ainsi que le format d’image 1,33) nous évoque le passé, mais dans cet univers fictif, on peut imaginer que la technologie s’est développée plus lentement, ou qu’elle a pris une direction différente.
Quelle est votre lien avec le théâtre d’ombres ?
Il est primordial. Le feu, les ombres sur les murs de la caverne… Il m’a semblé bienvenu de montrer en ombres les gestes primitifs utilisés pour attirer les proies. Quand j’étais petit, j’adorais bidouiller avec des papiers découpés et une lampe torche.
Pourquoi les personnages de Shadow Nettes utilisent-ils seulement la communication non-verbale ?
Les pêcheurs de Shadow Nette évoluent dans un monde parallèle au nôtre. Ils parlent, mais leur langage n’a pas été déchiffré. Ils communiquent avec leur corps.
À votre avis, le format court permet-il plus de libertés, plus de marge de manœuvre ?
Ce n’est pas vraiment une question de longueur. J’ai décidé de faire des films qui se démarquent du long métrage commercial (un secteur qui est en train de miner notre culture, d’ailleurs !).
Si vous êtes déjà venu à Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous raconter une anecdote sur le festival ? Sinon, quelles sont vos attentes pour cette édition ?
Ce sera ma quatrième visite au festival de Clermont-Ferrand, et j’en suis très heureux.
Une fois, je suis venu avec ma femme et mon fils, alors âgé de trois mois. Il a passé beaucoup de temps dans les salles obscures. Le public a remarqué que pendant les projections, ses gazouillis, ses rots et ses pets, malgré leur caractère aléatoire, semblaient coïncider avec les situations à l’écran, ce qui a généré des commentaires tout à fait pertinents et souvent très intéressants.
D’autres projections ?
En septembre 2017, le film a été projeté pour la première fois au festival international de cinéma de Toronto. Il a obtenu le prix du meilleur court métrage canadien au festival international de cinéma de Vancouver.
Shadow Nettes concourt en compétition Labo dans le programme L5.