Dîner avec Shooting Stars (Étoiles filantes)
Entretien avec Magdalena Jaroszewicz, réalisatrice de Shooting Stars (Étoiles filantes)
Quel intérêt représentait pour vous de filmer ces feux d’artifices ?
En 2017, j’ai vécu quelques temps dans la rue la plus animée de Berlin et on m’a raconté l’ambiance incroyable qu’il y avait dans cette rue la nuit du nouvel an. Alors j’ai eu envie de faire un documentaire sur cette nuit de folie et de liberté, de comprendre ce que ça représente, symboliquement, pour tous ces gens venus du monde entier pour l’occasion. J’ai été stupéfaite par l’énergie qui s’en dégage et ce mélange d’inconscience et de crainte. J’ai eu envie d’y associer librement les images et le son. C’est un chant nocturne sur le “masculin“, la joie et la rivalité.
Comment avez-vous travaillé sur l’éclairage ?
Avec Louis Marioth, qui est aussi notre ingénieur du son, nous avons fait le choix de filmer depuis un appartement qui se trouvait de l’autre côté de la rue. On a utilisé des longues focales qui sont sensibles au moindre mouvement et on savait qu’on disposerait donc de peu de lumière, mais on a décidé de faire avec ce qu’on avait. C’est pour ça que l’image est loin d’être parfaite, mais c’est un parti pris, de même que de ne pas dissimuler nos présences et les contraintes techniques. Je ne voulais pas d’une image trop esthétisante mais plutôt que la caméra soit là, comme un regard témoin.
Pourquoi tourner dans l’espace d’une seule nuit ?
Juste avant Shooting Stars, j’étais sur un autre projet – quelque chose de plus long, au sujet d’une fille qui vit dans ce quartier. Malheureusement, ce film n’a pas pu se faire. Mais il est resté de ce projet le besoin de partager avec d’autres la fascination que j’ai eu pour cet endroit. L’idée a surgi très spontanément. J’avais bien compris que je ne faisais pas vraiment partie de ce monde et que je resterais toujours une étrangère qui entre difficilement en relation avec les autres tout en ayant besoin de les comprendre et de leur donner un espace pour s’exprimer. Le film se focalise sur un instant, une ambiance et un état d’esprit propre à un moment. Chacun y trouvera son degré de profondeur, c’est la raison d’être de ce film comme d’être le témoin de cette nuit si particulière.
Pourquoi vous concentrer sur les visages plutôt que sur les lumières ?
J’ai deux bonnes raisons pour ça. D’abord, ayant grandi avec des chiens, je déteste les feux d’artifices parce qu’ils font peur aux animaux. Et puis parce que c’est un film qui parle des gens et de leurs émotions, de la société moderne et de ses obsessions et que c’est donc les visages qui révèlent ces choses-là plutôt que les lumières.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
J’aime les courts métrages comme j’aime les nouvelles, qui m’inspirent beaucoup dans mon travail. Je trouve que c’est libérateur de se concentrer sur des détails qui vous semblent importants et de se laisser surprendre par des choses si insignifiantes et importantes à la fois. Un court métrage peut être un incendie ou un tremblement de terre. Maintenant que je travaille sur un long métrage, je vois cette liberté et cette légèreté disparaître. J’espère bien continuer à réaliser des courts métrages tout au long de ma vie.
Pour voir Shooting Stars (Étoiles filantes), rendez-vous aux séances de la compétition labo L2.