Dernier verre avec Sirene
Entretien avec with Zara Dwinger, réalisatrice de Sirene
Qu’avez-vous cherché à exprimer à travers le personnage de Kay ?
J’ai voulu exprimer le mal-être d’un adolescent qui se cherche et qui ne sait plus trop qui il est. De nos jours, les questions de genre et d’identité sont plus que jamais liées l’une à l’autre. Je n’ai pas moi-même connu les questionnements de Kay sur l’identité sexuelle, mais j’ai rencontré d’autres difficultés durant mon adolescence. J’ai donc dû faire un gros travail de recherche et aller à la rencontre d’adolescents transsexuels. En parlant avec eux, je me suis rendu compte que beaucoup avaient traversé une phase de déni. C’est ce qui m’a touchée et m’a inspiré l’histoire de Kay – ce combat contre ce que nous sommes véritablement.
Votre histoire est-elle un parcours initiatique ? Ou pensez-vous que cette étiquette n’est pas appropriée ?
Si, elle l’est tout à fait ! Le film est un parcours initiatique par excellence. Même si l’identité sexuelle est au cœur de l’histoire, c’est un film qui parle avant tout de la jeunesse. J’ai voulu montrer le mal-être du passage à l’âge adulte et de la rencontre avec soi-même. Une question universelle, à mon sens. Tout le monde s’est senti décalé par rapport à ses amis à un moment ou un autre de sa vie, tout le monde a vu sa vie bouleversée par une rencontre, une amitié de jeunesse. Nous savons tous ce que c’est que de se chercher, sous une forme ou une autre.
Vous avez de l’expérience dans le clip vidéo et publicitaire. Est-ce que cela a influencé l’esthétique du film ? Quelles sont vos influences cinématographiques ?
Oui, j’aime l’esthétique des clips vidéo, comme l’utilisation du ralenti ou des couleurs chatoyantes. Elle permet d’élever un univers fictif au-delà d’une vision purement réaliste et de le rendre plus vrai que nature. Je m’inspire aussi du documentaire. Rien n’est plus fascinant que les vrais gens. Dans mes influences plus récentes, il y a les films réalistes d’Andrea Arnold, mais un film qui m’inspire depuis toujours, c’est Huit et demi, de Fellini, et son regard drôle et poétique sur les tourments intérieurs.
Pouvez-vous nous parler du casting ?
On a vu pas mal de jeunes garçons pour le rôle de Kay. Des jeunes qui avaient déjà été acteurs, d’autres que nous avions dénichés dans des lycées, et même certains qui étaient eux-mêmes en pleine transition. Mais certains jeunes acteurs ont refusé de passer l’audition car ils craignaient que ce rôle soit mal vu et nuise à leur future carrière. Au final, quand Thor Braun a passé la porte, on a tout de suite su que c’était le bon. Il s’intéressait au personnage dans toutes ses nuances, et il conjuguait naturellement la douceur et une certaine dureté. Il y avait, dès le départ, le risque de ne jamais trouver le garçon idéal pour jouer Kay, mais finalement, je n’aurais pas pu mieux tomber.
Quelles sont les libertés que permet le format court, à votre avis ?
La liberté de ne pas devoir tout expliquer, de pouvoir raconter une partie de l’histoire qui englobe la vôtre, de mettre en avant un sentiment en particulier, comme dans Sirène. Par exemple, je ne voulais pas que le film parle de se faire accepter par la société, mais bien du tourment intérieur du protagoniste. Le format court m’a permis de ne pas aborder du tout l’aspect social de cette histoire et de laisser le spectateur l’imaginer lui-même.
Sirène est présenté en compétition internationale dans le programme I5.