Dernier verre avec Skewwhiff (La fêlure)
Entretien avec Robin Summons, réalisateur de Skewwhiff (La fêlure)
Pouvez-vous nous expliquer le titre ?
Le titre Skewwhiff [de traviole] signifiait plusieurs choses pour moi. D’un côté, lorsque Bill a le col de chemise « de traviole », Rae le lui remet en place. Je trouvais intéressant de faire allusion à ce moment dans le titre : on comprend que Rae a passé sa vie à s’occuper de Bill, ce qui est touchant car les rôles commencent à s’inverser. Plus globalement, l’univers normal et routinier du couple est en train de s’effondrer à cause de la situation de Rae. Je voulais montrer que leur relation va « de traviole ». Et puis, j’aime bien ce mot, tout simplement, il a quelque chose d’ingrat… La plupart des films ont des titres bien plus jolis, mais ce film-là n’en fait pas partie.
Qu’est-ce qui vous a inspiré l’histoire de ce couple ? Y a-t-il des éléments autobiographiques ?
Peu avant la mort de ma mère en 2017, mon père et elle sont allés faire un tour en voiture. Pour la première fois, ma mère semblait perdre vraiment la tête de façon prolongée. Ce fut horrible pour mon père. Quand il est rentré à la maison, j’ai remarqué que son pare-brise était fêlé. J’ai utilisé cette image dans la première scène du film. J’ai imaginé un couple qui roule en silence avec ce pare-brise fêlé. Bien sûr, j’ai changé l’histoire et les personnages, notamment en choisissant un couple plus âgé, sur qui plane non pas l’ombre de la tumeur au cerveau, mais celle de la démence sénile.
Le film parle peu, il a un côté austère, minimaliste. Parlez-nous de votre recherche de style en tant que réalisateur.
D’une façon générale, je suis attiré par les films où les gens parlent peu. Le côté austère correspondait bien au protagoniste, Bill, qui n’exprime que très peu son angoisse. J’adore les films d’Andrea Arnold et des frères Dardenne, qui ont probablement influencé le style du mien – surtout ces derniers en fait, bien que je leur envie ces longs plans-séquences un peu déjantés si typiquement Dardenne. Je n’ai pas eu le courage de me jeter à l’eau cette fois-ci, mais j’aimerais filmer comme ça un jour. Leur aptitude à saisir des scènes grandioses sans aucune prétention est tout bonnement admirable.
Quel est votre parcours de cinéaste ?
J’ai passé ces dernières années à travailler sur des films. J’ai écrit et réalisé trois courts métrages, Skewwhiff étant le deuxième ; le troisième, intitulé Occupation, est actuellement en postproduction. Mais au bout du compte, j’ai sans doute passé plus de temps à m’essayer à l’écriture de longs métrages qu’à travailler sur les courts métrages. À l’origine, je souhaitais travailler uniquement sur l’écriture de scénarios, mais je suis devenu un peu accro à la réalisation. J’ai d’abord écrit un film policier qui était super nul, puis un drame familial un peu expérimental que je trouve pas mal, et enfin, un film tout petit budget sur un pyromane, qu’il va me falloir peaufiner encore un peu.
Quels sont les sujets et les genres qui vous attirent pour vos prochains films ?
Le court métrage sur lequel je travaille actuellement en postprod, Occupation, est l’histoire d’une psy qui aide des hommes violents et n’arrive pas à quitter son travail. Je n’en dirai pas plus, car c’est impossible à résumer, mais j’espère que ce sera un film intéressant. Après, j’ai l’intention d’écrire des longs métrages sur le changement climatique, le thème qui m’intéresse plus que tout. J’ai plusieurs idées, dont la meilleure, pour le moment, est l’histoire d’un groupe d’anciens militants pour le climat qui fondent une secte du désespoir dans l’arrière-pays australien. Ce sera sans doute mon prochain scénario et j’ai hâte de m’y atteler.
Quels sont les films qui vous ont inspiré ?
J’ai cité quelques réalisateurs ci-dessus, mais en fait, j’apprécie toutes sortes de films. Je pense qu’un bon film, c’est quand on ne sait pas ce qui va se passer. Je préfère voir des films qui suivent cette règle simple plutôt que de regarder des films de tel ou tel genre, de telle période ou de tel pays.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Je n’en ai pas fait beaucoup, mais je dirais qu’il permet surtout d’expérimenter des choses différentes et d’être libre de faire des erreurs car les enjeux sont moins grands que pour un long métrage. Je trouve aussi que les courts métrages sont plus faciles à écrire.
Pour voir Skewwhiff (La fêlure), rendez-vous aux séances du programme I4 de la compétition internationale.