Lunch avec Son seul
Entretien avec Nina Maïni, réalisatrice de Son seul
Comment vous est venue l’inspiration pour Son seul ? Est-ce qu’au sein de votre école de cinéma, vous étiez propice à travailler sur le son ? Son seul est-il inspiré de faits réels ou de personnes de votre entourage ?
Je souhaitais travailler sur la collaboration entre le chef opérateur du son et le perchman pour mon mémoire de fin d’études à La Fémis. L’idée du film est venue au fur et à mesure des rencontres avec plusieurs professionnels du son, en m’inspirant d’anecdotes et en les mettant en lien avec ce que j’ai pu moi-même vivre sur les tournages en tant que chef opérateur du son, perchwoman ou stagiaire son. La quête du son seul de mouettes sans le bruit incessant de la mer est parti d’un fait réel, où une équipe son d’un tournage a réellement attiré ces oiseaux loin de la plage en remplissant un coffre de voiture de sardines fraîches. Les mouettes ont suivi la voiture sur plusieurs kilomètres. Au départ, mes deux personnages réussissaient eux aussi à attirer l’attention des mouettes mais pendant les repérages de Son seul, on a tout essayé pour déplacer les volatiles, elles nous ont toujours ignoré. Il a donc fallu revoir le scénario.
Son seul rend hommage au travail d’un preneur de son et de son perchiste pour un film. Quelle place pensez-vous qu’ait généralement l’équipe son par rapport au reste de l’équipe du film ? Qu’est-ce qui vous intéressait dans leur regard ?
Le chef opérateur son et le perchman forme un binôme exclusivement focalisé sur le son à l’image sur le plateau, alors que le reste de l’équipe est plus attentif à l’image. Cela donne un côté mystique à leur travail aux yeux des autres techniciens. Ils sont ainsi à la fois au sein même de la création du film, mais aussi un peu exclus de par leur point d’écoute du film. J’avais envie avec Son seul de mettre en avant l’équipe son du tournage et de faire découvrir quelques facettes de leur métier (parfois surprenantes).
Dans les films, on entend toujours le travail des équipes son, mais évidemment on n’entend jamais leurs propres voix. Dans Son seul, vous dévoilez quelques-unes de ces voix. Comment avez-vous récupéré cette partie des pistes qui n’est normalement pas partagée par les preneurs de son ?
Tout au long de mes études à La Fémis, j’ai occupé à plusieurs reprises le poste de monteuse son. A chaque fois, au moment des « dérushages », je tombais sur une multitude de perles d’annonces d’ambiances ou de sons seuls et au fur et à mesure des projets, je m’en suis fait une petite collection. Chacun a sa manière de présenter son enregistrement, et souvent on peut s’imaginer le contexte, l’atmosphère et l’humeur du chef opérateur son lors de l’enregistrement. Les voix des chefs opérateurs son que l’on entend au générique du film appartiennent à mes cinq camarades de la promotion Son. C’était pour moi une manière de les remercier.
A travers ces deux hommes, travaillant en équipe depuis longtemps, Son seul questionne aussi les rapports humains. Parmi la multitude des possibilités, pourquoi avoir choisi d’explorer une relation entre deux hommes et dans le cadre d’un travail ?
Les deux personnages sont des hommes, je les ai toujours imaginés comme tel. Peut-être parce que de cette génération, il y a peu de femmes chefs opératrices du son et peu de perchwomen. Mais les temps sont en train de changer! L’histoire de Son seul raconte une relation humaine qui va au-delà d’une collaboration. J’aimais bien l’idée d’une rupture presque amoureuse dans un contexte de travail.
Le titre du film, Son seul, joue avec l’ambivalence du pronom possessif, “mon seul“, “ton seul“… Est-ce un effet volontaire ?
Pas du tout. Je n’ai jamais fait ce rapprochement avec le pronom possessif.
Dans Son seul, vos personnages partent en quête d’un enregistrement sonore très précis pour répondre aux demandes de leur réalisateur. En tant que réalisatrice, faites-vous aussi des demandes précises de ce type, aux équipes Son ou aux autres ?
Oui, quelques fois. D’ailleurs, Jules et Maël, le chef opérateur son et perchman de Son seul se sont retrouvés dans des situations similaires aux deux personnages du film. Ils ont dû enregistrer des pas dans le sable, des ambiances de vent et bien sûr des sons de cris de mouettes! Ils nous ont fait beaucoup rire à leur tour!
Utilisez-vous les banques de données de sons ? Que pensez-vous de cette mise à disposition hyper large du travail précis et appliqué d’une équipe son ?
Oui, j’utilise des banques sons ! Sur le plateau, le chef opérateur son peut proposer un point de vue sonore, une première orientation mais il est impossible d’avoir le temps et les moyens d’enregistrer toute la matière sonore dont on va avoir besoin. Il ne suffit souvent pas d’un vent raccord à la scène pour faire vivre le vent en post-production par exemple. Du coup, on va s’amuser à injecter une palette de vent en fonction des effets souhaités, et pour se faire, on va chercher dans les banques de sons. Utilisée à bon escient, la banque de sons enrichit la bande sonore du film, sans pour autant effacer les sons enregistrés au tournage.
Son seul a été produit en France. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
Je connais peu le fonctionnement des productions étrangères, mais ce que je sais, c’est que la France propose une multitude d’aides pour le court métrage. En plus de La Fémis, Son seul a bénéficié d’aides logistiques de la part des villes de Longues-sur-Mer et de Saint-Côme de Fresné, ce qui nous a permis un confort de travail tout au long du tournage.
Pour voir Son seul, rendez-vous aux séances de la Compétition Nationale F4 et aux projections scolaires SCO.