Dernier verre avec Sous le cartilage des côtes
Interview de Bruno Tondeur, réalisateur de Sous le cartilage des côtes
Comment avez-vous eu envie de traiter de l’hypocondrie ?
Un jour, on m’a diagnostiqué une hépatite C à un stade très avancé. J’étais jeune, j’étais immortel et là d’un coup, PIF, le gros bad. J’ai consulté un psychologue, j’ai écrit des lettres aux gens que j’aimais et ensuite je suis devenu très faible. Grosses fièvres, grosses hallucinations, cloué au lit. On pleurait autour de moi. J’allais mourir. Bon je suis pas mort. L’hôpital qui a effectué mon test sanguin s’était trompé. Le labo avait interverti les éprouvettes avec un autre gars. Après ça, je suis devenu complètement parano des virus et des maladies. Je me suis toujours dis que j’en ferais quelque chose. Juste je savais pas encore trop sous quelle forme. Ce n’est que l’an passé, quand j’ai rencontré Take Five que j’ai plus sérieusement réfléchi au projet.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la représentation visuelle des organes internes et des germes ?
Petit, j’étais fan de Il était une fois la vie. C’était une série où on suivait des globules blancs, rouges, etc. (D’ailleurs les virus ressemblaient à Sarkozy. Si si si, je vous jure, allez voir.) Je trouvais ça super de représenter l’intérieur d’un corps humain comme une ville dans laquelle évoluent des êtres vivants autonomes œuvrant tous pour le bien-être de la ville. Je me suis dit que c’était intéressant de montrer le pourrissement des organes de l’intérieur. De plus, la stop-motion contrebalance le côté très lisse de la 2D. Je voulais que la maladie devienne réelle pour le spectateur. J’avais envie de rythmer le récit cartoonesque de Pierrot avec une réalité dure et froide.
Comment avez-vous travaillé sur les couleurs ?
Je me suis imposé une contrainte. Je voulais des couleurs qu’on ne pouvait pas imprimer sur papier. De plus, un choix restreint de 5 couleurs pousse à trouver des astuces graphiques pour représenter les choses. Je savais que je voulais une forte présence de la couleur verte. Dans l’histoire de l’art, elle est associée à la maladie et le film devait transpirer et suinter. Les couleurs rose et fuchsia mêlées au vert rappellent les tissus humains.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’isolement du personnage ?
Un hypocondriaque est souvent très seul. Le contact social est assez compliqué. Surtout si, comme Pierrot, la maladie est associée à des tics et des angoisses. Pierrot n’arrive à se mêler aux autres que quand il oublie la maladie grâce à des stupéfiants et/ou de l’alcool à foison. La maladie l’isole énormément mais il peut arriver à l’oublier avec ses “médicaments“. Ses médicaments, on ne sait pas trop ce que c’est pour amener le doute sur sa médication.
Envisagez-vous de réaliser d’autres courts métrages autour d’autres maladies ou souffrances physiques ou mentales ?
Peut-être, si j’y trouve une raison mais ce n’est pas du tout un but en soi.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Au Studio TABASS co., qu’on a créé avec 4 amis (Margot Reumont, Gwendoline Gamboa, Ornella Macchia & Hippolyte Cupillard), nous sommes tous issus d’une formation de réalisateur. Quand l’un de nous a un projet, il le présente aux autres et c’est autour de discussions et de cafés/bières qu’on arrive ensemble à de chouettes projets. Pour ce projet précisément, le format du court métrage me paraissait idéal. Non seulement pour garder une fraîcheur tout du long mais aussi pour la fatigue des yeux. J’ai fait le choix de couleurs très pures et regarder ce fuchsia intense pendant 90 minutes pourrait faire saigner les yeux ! Aussi, il y a aussi plus de libertés de réalisation dans le format court qu’on ne trouve pas dans le format long. Et Enfin, avec Take Five et Autour De Minuit/Schmuby, c’est la première fois qu’on travaille ensemble en relation producteurs – réalisateurs. C’était aussi un test pour voir si ça collait bien avant de nous lancer dans un long métrage ou une série de 10 saisons.
Pour voir Sous le cartilage des côtes, rendez-vous aux séances de la compétition labo L2.