Goûter avec Still Working (Toujours en marche)
Entretien avec Julietta Korbel, réalisatrice de Still Working (Toujours en marche)
Qu’est-ce qui vous a inspiré l’histoire de Pavel ?
Le nom de Pavel est plutôt symbolique. C’était le nom de mon grand-père, qui était peintre, dont j’étais très proche et qui m’a élevée. Immigré slovaque d’origine hongroise, il est arrivé en Suisse en 1968. À sa mort, j’ai hérité de son studio d’artiste à Montreux, d’où je voyais, au loin, l’usine Chavalon (lieu du tournage). Entre les tableaux de mon grand-père, cette usine me semblait une île abandonnée au milieu des montagnes. Cela a été le point de départ du film. Pour moi, Pavel était un introverti et un poète, dont l’univers intime s’exprimait à travers ses œuvres.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la centrale thermique ? Où se trouve-t-elle ? Comment avez-vous réussi à y tourner votre film ?
J’ai choisi comme cadre de mon film l’usine désaffectée de Chavalon, dans le Valais, dans le sud de la Suisse. Ce lieu a quelque chose d’authentique et de presque surréaliste qui évoque le passé alors qu’il incarnait à la base une vision utopique de l’avenir. Chavalon a été construite en 1964 et fermée en 1999, elle se situe en altitude, et elle est flanquée de dix-sept villas rétro construites pour loger les employés de la centrale. Le terrain a récemment été vendu et il est totalement fermé au public, il a donc été très difficile d’y accéder et d’obtenir l’autorisation de filmer. C’est un lieu unique en Suisse, le temps semble s’y être arrêté. Durant mes recherches, j’ai rencontré l’agent de sécurité qui est sur place, ainsi que d’anciens ingénieurs. Ils m’ont donné des plans et des informations sur les machines. Pour moi, Chavalon représente un témoignage important de l’histoire économique de la Suisse, des transitions énergétiques récentes aux développements technologiques des dernières décennies.
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs en retirent ?
Je trouve qu’on tente de définir le présent seulement lorsqu’on a peur de le perdre. Pavel, l’agent de sécurité, vit dans son attachement réprimé pour l’usine, jusqu’au jour où Gabriel, le jeune ingénieur, arrive pour mettre l’usine hors service. À travers le portrait d’un personnage qui refuse l’évolution du monde, je voulais susciter une réflexion intime sur ce qui donne du sens à notre existence.
Parlez-nous de votre style en tant que cinéaste. Quels genres, quels thèmes vous attirent ?
Je sens que j’ai encore besoin d’évoluer et de trouver ma voie. C’est mon premier court métrage à aussi grande échelle.
Y a-t-il des œuvres, des films qui vous ont inspirée ?
Il y a plein d’œuvres et de films qui m’ont inspirée, mais pas une plus que les autres. J’adore les films qui laissent de la place pour la réflexion et l’imagination. Et aussi les films qui jouent avec le facteur temps.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
J’adore le format court. C’est la forme de l’essai, celle des idées intenses et concentrées. Il permet de pénétrer dans toutes sortes d’univers différents en un temps très court. Il permet de faire des expériences, de faire des choix radicaux. Je pense aussi que le concept de forme filmique définie temporellement, ou par une restriction temporelle, va changer, car l’information devient de plus en plus condensée, plus vite consommée. J’espère que le cinéma va se libérer de ce carcan temporel pour devenir quelque chose de plus souple et de plus personnel. Quoi qu’il arrive, j’espère qu’on pourra prendre du temps pour le silence en cinéma, pour ces moments salutaires de respiration dans une scène.
Pour voir Still Working (Toujours en marche), rendez-vous aux séances du programme I4 de la compétition internationale.