Goûter avec Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets
Entretien avec Guillaume Rieu, réalisateur de Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets
Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets est une comédie faite de sketchs satiriques sur la réalisation cinématographique. Pourquoi avoir choisi le cadre des mille et une nuits, les films d’aventures orientales ?
Essentiellement parce que je voulais faire un film d’aventures qui parle des effets spéciaux avant l’apparition des images de synthèses, et qui me permette d’utiliser une gamme aussi large que possible de techniques. Les films sur lesquels a travaillé Ray Harryhausen, et particulièrement les Sinbad, sont un exemple parfait pour ça, et l’idée d’en faire un film hommage à ce maître des effets spéciaux m’intéressait aussi. En dehors de ça, j’adore les histoires des mille et une nuits, ainsi que l’ambiance « exotique » qui se dégage de leurs vieilles adaptations hollywoodiennes.
A quel point avez-vous été amené à décortiquer votre propre activité professionnelle pour en arriver à imaginer Tarim le Brave ?
Je ne sais pas trop en fait, j’ai écrit sur ce que je connaissais, en y mettant ce que je savais faire et ce que j’avais envie d’essayer, mais je crois pas avoir décortiqué plus que ça…
Quel est votre parcours dans la réalisation ? Avez-vous fait une école d’effets spéciaux ?
Non, je n’ai pas fait d’école d’effets spéciaux, j’ai étudié le montage (BTS, puis licence et Master au SATIS à Aubagne) tout en commençant à m’orienter vers l’animation et les effets spéciaux en autodidacte, pour pouvoir faire des films avec des monstres. J’ai fait plusieurs stages chez Metronomic (intéressé par le côté bricolage et artisanal de leurs films), puis je suis resté chez eux sur quelques projets jusqu’à ce qu’ils me proposent de réaliser mon premier court (L’attaque du monstre géant suceur de cerveaux de l’espace).
Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets est mon deuxième film.
L’un des marins de Tarim se prénomme Ahmed, prononcé Hache-Maide. Cette prononciation était-elle de mise dans les films de Sinbad le marin ? Qu’évoque-t-elle pour vous ?
En fait oui elle était de mise, peut être moins accentuée dans la prononciation, plutôt « Armède ». Ce prénom fait partie d’un certains nombres de clichés des films orientaux de cette époque, de même que le figurant noir portant un fez et un pantalon rouge, les portes se terminant par une pointe, ou les petits singes intelligents, j’aurais bien aimé avoir un petit singe intelligent…
Votre princesse des mille et une nuits a la peau bien blanche, est-ce une princesse yézidie ? Ou souhaitiez-vous dénoncer les réalisations qui emploient des comédiens blancs pour les rôles d’orientaux ?
En partie oui, j’ai même hésité à ce que ce soit plutôt le personnage principal qui soit blanc, comme c’était souvent le cas à l’époque (et quand je dis souvent je veux dire à chaque fois en fait, les potes rigolos et les méchants avaient le droit d’être un peu typés mais les personnages principaux étaient blancs (éventuellement un peu bronzés) et parfois même blonds…). En dehors de ça, c’est aussi et surtout parce que je voulais travailler avec Delphine Théodore, et pour les raisons ci-dessus je me suis dit que ça collerait bien.
Avez-vous eu des CD ou des cassettes (pour les plus vieux) d’histoires racontées pour les enfants ? Sinon, comment vous est venue l’idée de la voix du narrateur pour raconter l’histoire de Tarim ?
J’ai eu des cassettes effectivement mais pas sur les Mille et Une Nuits. L’idée ne vient pas particulièrement de là, pour ne pas trop en raconter, cette voix off était nécessaire parce qu’elle finit par avoir une importance sur le déroulement de l’histoire, et elle me permettait d’apporter un peu plus de kitsch au début et quelques gags stupides par la suite.
Vous est-il déjà arrivé de sauter des bouts de films pour arriver à la suite de l’histoire plus rapidement ? Avez-vous déjà travaillé les techniques pour retenir l’attention du spectateur et que pensez-vous des films qui enchaînent les séquences fortes ?
Non faire sauter par les personnages un aussi gros bout de film est quelque chose que je n’avais pas fait avant, mais en même temps, on n’a pas souvent l’occasion de le faire, je pense… Faire sauter un bout de film au montage pour des questions de rythme, ou des morceaux d’histoires au scénario, sont des choses fréquentes, voire indispensables, mais là, on est dans un cas de figure assez particulier, plus proche de la bobine manquante dans Planet Terror par exemple.
Pour ce qui est de retenir l’attention du spectateur, j’essaye autant que possible de construire mes films comme des suites de séquences qui s’enchaînent de manière logique tout en ayant leur intérêt propre (et qui seraient idéalement constituées d’une suite de plans ayant leur intérêt propre). J’essaye de ne pas avoir de séquences qui servent uniquement à faire avancer l’histoire. Du coup, pour répondre à la question, j’aime les films qui enchainent les séquences fortes, un des meilleurs exemples pour moi est Abyss.
Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets a été produit en France. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
Pour moi, le principal apport de la production française, dans le domaine du court métrage en tout cas, est de permettre à beaucoup de monde d’accéder à un financement. Bien sûr, c’est facile pour moi de dire ça et je me sens un peu privilégié puisque j’ai pu réaliser deux films grâce au CNC (qui plus est, des films de genre), mais le nombre de courts métrages français produits chaque année fait de nous un des premiers pays producteurs, si ce n’est le premier.
Trouvez-vous les films redondants ? Depuis que vous avez étudié la réalisation, ne voyez-vous plus que les « ficelles » des films ?
Oui, je trouve beaucoup de films redondants, et non, j’arrive encore à regarder les films sans en voir particulièrement les ficelles, et heureusement ! Mais je trouve cette redondance plus forte dans les scénarios que dans les « ficelles », du coup je pense qu’on a encore beaucoup de choses à découvrir au cinéma avant d’en être blasé par la technique.
Dans Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets, vous faites référence à l’enregistrement sur pellicule alors qu’elle n’est presque plus utilisée dans les tournages aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
Pour deux raisons essentielles, d’abord par cohérence par rapport à l’époque des types de films auxquels je fais référence (qui va des années 50 à 80) et ensuite par choix esthétique. La pellicule à un côté fascinant, réel, on peut la déplacer, la superposer, la faire traverser par de la lumière comme un vitrail, enfin c’est magique quoi…
Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets fait de nombreux clins d’œil au cinéma d’une certaine époque. Les films des Mille et Une Nuits sont plus rares aujourd’hui en France. Vous intéressez-vous au cinéma de Bollywood ?
Oui, je m’y intéresse, même si ce n’est pas ma principale référence et même si en fin de compte je connais plus d’adaptations hollywoodienne que bollywoodienne des Mille et Une Nuits… Mais je ne désespère pas, je pense que le film de genre peut revenir en France, et pas seulement les Mille et Une Nuits.
Enfin, Tarim le Brave aurait-il pu sauver un prince ?
En fait, Sinbad sauve un prince transformé en singe dans Sinbad et L’Œil du tigre, du coup, si Sinbad peut le faire, Tarim aussi. (Bon en fait il me semble qu’il le sauve pour pouvoir se faire sa sœur, qui est du coup une princesse, ça tombe bien…)
Pour voir Tarim le Brave contre les Mille et Un Effets, rendez-vous aux séances de la Compétition Nationale F6 et dans les Projections pour les Ecoles ECO3.