Lunch avec The Hamsa (La khamsa)
Entretien avec Gadzhimurad Efendiev, réalisateur de The Hamsa (La khamsa)
Pouvez-vous nous expliquer ce que « khamsa » signifie et à quoi cela fait référence dans votre film ?
En arabe, khamsa signifie cinq. Il y a exactement cinq acteurs principaux dans le film. La khamsa est également la Main de Fatima. Des femmes au caractère inébranlable, prêtes à subir n’importe quelle épreuve du destin. Pourquoi le titre est-il un mot arabe ? C’est un point important, car lorsque l’Islam est arrivé dans le Caucase du Nord, il a commencé à supplanter nos traditions et nos coutumes, ou à en remplacer un certain nombre par des éléments de sa propre culture. Exactement comme lors de la conquête de notre territoire par l’Empire russe : la langue russe s’est peu à peu répandue dans la région et les dialectes locaux ont commencé à disparaître. Ils étaient considérés comme inutiles dans la société russe moderne. Ici, la khamsa est un exemple d’une nouvelle culture forte et puissante qui en absorbe une plus petite et fragile. Comme au moment de l’adhan (l’appel à la prière des musulmans lancé par un muezzin), à la fin du film, lorsque nous voyons le paysage d’une ville abandonnée au moment où le héros s’assied sur la tombe d’un ami décédé. La ville est pratiquement abandonnée, semblable à un cimetière, et l’adhan retentit de plus en plus fort.
Pouvez-vous nous parler du lieu de tournage ? Cet endroit a-t-il été en partie détruit ou abandonné ?
Le film a été tourné au pied du mont Elbrous, dans la république de Kabardino-Balkarie, une des républiques du Caucase du Nord qui appartiennent à la Russie depuis 200 ans. Il y a une dizaine d’années, une partie de la ville a été détruite par une avalanche. Les gens habitent une autre partie de la ville, moins vide et abandonnée que ce que l’on voit dans le film, mais pour mon histoire, j’avais besoin de la montrer dans cet état.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer le personnage d’Isa ?
À première vue, on peut penser qu’il s’agit d’une histoire sur les hommes, sur Isa, mais ce dernier n’est en fait qu’un personnage secondaire. Pour moi, les personnages principaux sont son épouse et sa mère. Des femmes dont le caractère ressemble à ces paysages montagneux austères. Des femmes qui ont connu la douleur et le deuil. Tandis que les hommes jouaient à un jeu appelé « la guerre », ce sont les femmes qui ont sauvé les enfants et les personnes âgées de la mort. Elles ont sauvé des familles. Elles ont empêché que leur peuple disparaisse. Dans ce film, les femmes apprennent à pardonner, à vivre et à aller de l’avant !
Vous avez une formation en sciences et en économie. Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans le cinéma à un niveau professionnel ?
Je viens d’une petite ville située à l’intérieur des terres du Caucase du Nord. J’ai toujours voulu en partir et découvrir le monde. Lorsque j’ai réussi à quitter le Daghestan pour me rendre dans la république de Kabardino-Balkarie, afin de travailler pour l’organisation américaine Irex, j’ai rencontré des enfants qui avaient survécu à la guerre mais avaient perdu leurs parents. Puis j’ai appris qu’Alexander Sokurov ouvrait le premier studio de cinéma du Caucase du Nord, exactement à l’endroit où je me trouvais à ce moment-là. Je n’avais jamais envisagé de devenir réalisateur et ni moi ni personne de ma famille n’avions eu de lien avec la télévision ou le cinéma. Je n’avais jamais entendu parler d’Alexander Sokurov avant 2010. Mais ma soif de changement et d’une nouvelle vie m’ont conduit à son studio.
Vous avez déjà réalisé des documentaires. Désirez-vous désormais vous consacrer à la fiction ou continuer à travailler sur les deux genres ?
J’adore les documentaires, et lorsque j’ai l’occasion d’en tourner un, je le fais. C’est une manière d’être à l’œuvre et actif en tant que réalisateur. La réalisation d’un long métrage est très coûteuse en argent et en temps, tandis que pour un documentaire, on a seulement besoin de temps. D’un point de vue philosophique, le temps a plus de valeur que l’argent, mais j’ai toujours beaucoup plus de temps que d’argent. Et parfois, je n’ai pas d’argent du tout…
Si vous êtes déjà venu, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est la première fois que je viens à Clermont-Ferrand, et j’espère que ma participation à ce festival m’aidera à réaliser mon premier long métrage. Pour nous, jeunes réalisateurs venant de coins paumés, les festivals de ce genre sont comme un bouclier : ils nous aident à avancer et à combattre les obstacles qui se trouvent sur notre chemin.
Pour voir The Hamsa (La khamsa), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.