Goûter avec The Migrating Image (L’image migratoire)
Entretien avec Stefan Kruse, réalisateur de The Migrating Image (L’image migratoire)
Combien de temps a duré votre recherche d’informations et d’images ? Était-ce facile à collecter ? Qu’est-ce qui a été le plus difficile à trouver ?
J’ai passé environ trois mois à rassembler tout le matériel pour le film. Au début, j’ai fouillé sur Internet toutes les sources possibles reliées à l’immigration en Europe. Cela a constitué une large panoplie d’archives, que j’ai organisées selon les sujets des vidéos et la technologie utilisée pour les obtenir. Au fur et à mesure, mon concept s’éclaircissait et ma recherche d’images et de vidéos devenait plus précise. Après quelques obstacles, j’ai commencé à chercher spécifiquement des images que je n’avais pas encore trouvées – et en outre des images techniques (images Satellite, prises de vue à 360°, enregistrements bruts, images militaires, etc.). C’est difficile de dire ce qui a été le plus compliqué à collecter. Ce qui était difficile, c’était de me demander où il serait intéressant de rechercher ces images – avec l’ambition de sortir des canaux stéréotypés qui nous imposent en général la façon dont nous devons parler de l’immigration. Je voulais des sources qui n’avaient pas encore été traitées par d’autres médias et venaient directement du “producteur de l’image“. Et le fait de chercher des images à un endroit précis me donnait en même temps des idées d’autres endroits où chercher ensuite. L’ensemble est devenu un exercice de réapprentissage de la manière de faire une recherche sur Internet avec pour objectif d’éviter de retomber sur des sites familiers.
Pourquoi vouliez-vous dépeindre chaque catégorie des images liées à un sujet ?
Tout d’abord, je pensais pouvoir rendre mon message plus clair en restant concentré sur un sujet unique. Pour moi, le film illustre que nous sommes tous exposés à différentes représentations de la situation des réfugiés en Europe. Les images auxquelles j’avais été exposé avant d’entreprendre ce film étaient particulièrement orientées, par mon pays, ma langue, mon âge, mon orientation politique, mon historique de navigation Internet et les cookies de pistage. En invitant le spectateur à se pencher sur la large étendue des images existantes liées à l’afflux de réfugiés en Europe, j’étais en capacité de mettre ce point en évidence.
Pourquoi avez-vous choisi l’immigration illégale par la Mer Méditerranée comme sujet pour cette analyse d’image ?
Quand j’ai commencé ma recherche pour ce film, je suivais un cours de master en culture visuelle. J’étais curieux d’utiliser les théories de penseurs comme Marshall Mcluhan et Vilém Flusser sur le paysage médiatique actuel. Durant cette période, la question de l’affluence de réfugiés en Europe était partout dans les médias et je me demandais comment, en tant qu’étudiant en culture visuelle, je pourrais traiter un sujet comme celui-ci. Dans ce qui me semblait être un débat public réducteur et fondé sur la peur, je voulais créer quelque chose qui apportait de la nuance et de la réflexion. Peut-être qu’il y a une vérité dont nous contrôlons la signification, quand nous négligeons de voir et de nous questionner sur les dispositifs et les médiums qui créent notre paysage visuel collectif ?
Pourquoi avez-vous choisi une voix off monocorde pour expliquer votre approche au lieu de créer vous-même une image, en vous filmant ou en filmant une autre personne ?
Je voulais que le film soit strictement concentré sur la représentation visuelle collective des réfugiés. Le concept m’a amené à réaliser l’entièreté du film sur ordinateur. Je voulais que cela se reflète en tout, depuis le son au design graphique du film. La voix off est devenue un moyen pour m’introduire à l’intérieur du film sans me filmer. J’ai écrit et dit la voix car je voulais aussi enfreindre mes propres règles et mettre une touche personnelle. Au final, j’ai apprécié le ton monocorde et – à mon oreille – triste ou indifférent qu’a ma voix, en rapport avec la vague d’images impersonnelles qui défilent sur l’écran.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Tout à fait, le format court m’a permis d’éviter une structure narrative et une forme conventionnelles. J’ai apprécié de travailler sur différents niveaux de sens et en utilisant différents supports et même si c’est très nouveau pour moi de faire un film, ce format semble permettre plus d’expérimentation globalement. Aussi cela me paraît moins écrasant à ce stade de me lancer dans des projets de moins de 30 minutes.
The Migrating Image (L’image migratoire) a été sélectionné en compétition labo (L1).