Lunch avec The Peepul Tree (Le pipal)
Entretien avec Sonja Feldmeier, réalisatrice de The Peepul Tree (Le pipal)
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre découverte de l’abattage de cet arbre ? Qu’est-ce qui vous a poussée à en faire un film ?
C’est arrivé en 2011 à Haridwar, une ville du Nord-Est de l’Inde. Je suis tombée sur ce spectaculaire abattage d’arbre alors que je me rendais dans l’Himlalaya. J’ai été choquée mais aussi fascinée par cette entreprise risquée d’abattage d’un arbre sacré géant. Les raisons de cette opération m’étaient inconnues au départ. Je n’ai compris que progressivement pourquoi cet arbre très vieux devait disparaître. Je voyageais seule et n’avais pas de langue commune avec les bûcherons. Je n’avais pas non plus de compagnon de voyage venant de la même culture que moi pour en discuter. J’ai basé la réalisation filmique de The Peepul Tree sur cette expérience très intense d’absence de communication verbale, ainsi que sur mon questionnement sur les raisons de ce à quoi j’assistais.
Les travailleurs étaient-ils d’accord pour participer au film ?
Les travailleurs étaient enchantés de mon intérêt à cette opération et grâce à eux, je me suis sentie intégrée à leur groupe dès le départ.
Comment avez-vous finalement réussi à communiquer avec eux ?
Sachant que nous ne comprenions que la musique des mots, et non leur sens, nous parlions souvent chacun dans sa langue maternelle, mais avec des intonations plus « chantantes », en exagérant les expressions du visage et les gestes.
C’est un film presque entièrement sans paroles. Pourquoi le choix de ce procédé narratif particulier ?
Du fait de cette impossibilité de communiquer avec les ouvriers par le biais de la langue, j’ai inventé les voix des différents protagonistes sous une forme musicale. Je suis synesthète. Dans ce projet, j’ai pour la première fois exploité cette perception dans un but directement créatif. La synesthésie, c’est l’association involontaire de deux perceptions sensorielles, par exemple les couleurs et les sons. Je percevais également les tonalités de chaque bûcheron. Afin de transformer ces perceptions en bande sonore, j’ai consulté mon ami Voya Anicic, compositeur pour le cinéma. Voya est aussi synesthète. Ayant en commun cette perception et cette communication particulière qu’est la synesthésie, nous avons créé ensemble la bande son, grâce à un long travail sur les images et les sons. Chaque regard dirigé vers moi est montré au ralenti. Et déclenche également les bandes sonores individuelles. Le but étant que le spectateur perçoive ma présence en tant qu’observatrice et partie prenante de la scène, bien que je sois de l’autre côté de la caméra. Le concept de cette bande sonore vise aussi à inscrire explicitement mon regard subjectif dans la narration du film.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Grâce à la consommation de films en ligne, le court métrage a connu une période faste. Mais il faut prendre garde à ne pas laisser la culture de la gratuité contaminer le secteur du court métrage. Il faut en défendre la valeur culturelle.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
En plus de la fabuleuse offre en ligne de pépites rares du cinéma, des musées du monde entier ont créé, au cours de l’année dernière, des aménagements numériques qui permettent de découvrir leurs collections et leurs coulisses. Beaucoup de cinémas proposent également des services de diffusion en ligne à des prix très raisonnables. Et puis, il y a tout le temps de se faire soi-même son cinéma intérieur et de rêver !
Pour voir The Peepul Tree (Le pipal), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I4.