Dîner avec The Sound of Falling (Le bruit de la chute)
Entretien avec Chien-Yu Lin, réalisateur de The Sound of Falling (Le bruit de la chute)
Quel est la nature de l’intérêt que vous portez au monde végétal, aux arbres ?
Le monde végétal n’est pas étranger au nôtre. La seule différence c’est que chez les plantes, le temps n’opère pas de la même façon et laisse la possibilité d’observer leur évolution avant qu’elles ne se fanent, un peu comme si elles avaient le contrôle de leur existence. Quand le fermier part pour la ville, ce que je tente de percevoir dans ce contraste entre nature et espaces artificiels, c’est comment le décalage entre ces lieux affecte la conscience que le personnage a de lui-même. Ceci pour explorer la conscience qu’on a de soi, le confort que représente le sentiment d’appartenance à un espace et la conscience qu’on en a du point de vue mental ou physique.
Pourquoi un personnage si isolé qui évolue en milieu rural ?
Le fait que le personnage principal soit solitaire est une donnée importante parce que son isolement vient d’un choix qu’il a fait. Il s’isole dans cette zone rurale comme on se protège entre les quatre murs de nos maisons. Ça nous aide à appréhender la distance qui existe entre les gens et celle que l’on met avec nous-même. Pour moi la solitude est liée à l’essence même de la personne, c’est quelque chose avec laquelle on nait mais à laquelle on ne prête pas attention parce que nos pensées sont muettes.
Comment vous est venu l’idée de vous focaliser sur la couleur orange ?
J’ai choisi que l’action se déroule au moment de la cueillette des clémentines parce qu’en plein cœur de l’hiver, leur couleur orange fait l’effet d’un feu d’artifice dans toute cette grisaille avant de disparaître à l’arrivée du printemps, quand les autres arbres rivalisent alors de couleurs éclatantes pour attirer l’attention. La couleur orange symbolise aussi l’âme du personnage principal, l’ascension et la chute de la conscience qu’il a de sa propre existence tout au long du film.
Quel a été votre travail sur la bande-son ?
Le son était quelque chose que je voulais vraiment travailler dans ce film qui traite de l’essence de la vie, et dont le son fait vraiment partie je pense. Si l’on entend beaucoup de choses tomber tout au long du film, c’est pour faire ressortir la dernière : cette balle qui s’échappe des mains de la vieille dame. Le silence qui s’installe après que la balle soit tombée pose cette question au spectateur : “Qu’est-il encore possible d’entendre après ça ? Quel bruit fait une clémentine qui tombe au sol ? Ou celui de l’estime de soi qui s’effondre ? D’une vie qui se termine ? Quel est le son qui vous caractérise, quel est le mien ?“
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Dès l’écriture du scénario, je savais que ce film fonctionnerait essentiellement sur la force poétique de l’image et du son plus que sur les dialogues et la structure narrative. Je suis davantage à la recherche d’une forme de liberté dans l’expression des idées que d’une narration plus formelle avec l’évolution d’une histoire et sa chute. Une forme qui ressemble plus à la façon dont j’envisage la vie en général et qui permet à chaque spectateur d’avoir sa propre interprétation des choses en fonction de son vécu et sa tournure de pensée. Permettre à chacun d’avoir sa propre interprétation c’est comme voir la vie à travers les yeux des autres. Donc je ne pense pas que le format court donne davantage de liberté du point de vue de la réalisation mais par contre ça me pousse à rester le plus près possible de la réalité.
Pour voir The Sound of Falling (Le bruit de la chute), rendez-vous aux séances de la compétition labo L4.