Breakfast avec Totems
Interview de Paul Jadoul, réalisateur de Totems
Comment vous est venue l’idée de réaliser Totems ?
Ce film est l’aboutissement d’une multitude d’envies qui se sont rassemblées dans une histoire. D’abord, la nature et ses forêts majestueuses, puis le concept des métamorphoses que je voulais animer pour symboliser des sentiments, et ensuite l’homme et son humilité. L’histoire s’est construite petit à petit suite à un déclic, une anecdote qui m’a marquée : celle d’un pigeon piégé à mort, condamné bêtement parce qu’il est tombé entre une porte fenêtre et la balustrade d’un appartement vide. Je l’ai vu désespérément tenter le décollage à la verticale pour sortir de cet espace exigu sans jamais y arriver. Cette situation m’a montré à quel point la vie est fragile pour un animal et, cela transposé dans un univers en béton m’a donné l’envie de rappeler que l’homme peut, lui aussi, être très vulnérable.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport aux « animaux totems », sont-ce plutôt les caractéristiques biologiques des animaux ou le côté mystique ?
Plutôt l’aspect mystique et symbolique. En l’état, comme le piège est définitif, les caractéristiques biologiques importent peu. Qu’il soit grand ou petit, le résultat est le même, il reste coincé. Par contre, les notions de peur, d’alerte, de hargne, d’acharnement et de courage sont bien représentées par les métamorphoses, même si je ne lie pas de manière si évidente chaque animal à chaque sentiment. Je voulais que ça se joue plus au niveau de la sensation.
Les végétaux pourraient-ils être des totems ?
On pourrait voir les arbres comme des totems, cela plante le décor.
Comment avez-vous travaillé l’animation de Totems ?
J’ai travaillé à partir d’illustrations d’ambiance que j’ai créées. Ce sont ces images qui ont donné le ton pour la suite. J’ai accordé beaucoup d’importance à la représentation de la nature en allant puiser dans mes souvenirs de balade en forêt. J’ai ensuite travaillé à l’ordinateur en mélangeant plusieurs technologies, que ce soit de la 2D, de la 3D et une couche d’effets spéciaux pour mettre de la vie dans tout ça.
Comment avez-vous travaillé les couleurs et qu’est-ce que ce rouge, couleur de la tenue du personnage, avait d’important pour vous ?
J’ai pensé les couleurs en essayant d’éviter le vert dans un premier temps. J’avais peur de tomber dans des clichés, et je me suis donc forcé à marier des nuances moins naturelles afin de représenter la nature. Je trouve que c’est un paradoxe qui fonctionne bien. Par contre le rouge était un choix visuel et non symbolique. C’est la couleur qui me permettait de créer le contraste nécessaire par rapport aux décors. Pour l’anecdote, la chemise du personnage aurait dû être à carreaux, et ça, à l’inverse, c’était plutôt un cliché, mais la tâche de retracer toutes ces lignes en dessin était trop laborieuses lors de l’animation.
Êtes-vous sensible à la question du rapport de l’humanité à l’animalité et avez-vous d’autres projets autour de cette thématique ?
Effectivement, l’instinct sauvage qui dort au fond de chaque être humain, m’intéresse. Maintenant, c’est surtout ce qu’on en fait qui m’inspire, plus que les pulsions brutes et non contrôlées qui peuvent jaillir dans des moments de détresse.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Je suis incapable de passer en revue les sorties cinéma que j’ai vu en 2016, alors je me contenterai de citer Jagten, un film que j’ai vu dernièrement, même s’il date de 2012. L’histoire, haletante et révoltante, tient en haleine du début à la fin, tout cela, ancré dans un environnement naturel et jaugeant avec merveille les pulsions très primaires de l’Homme, m’a beaucoup plu.
Si vous êtes déjà venu(e)(s), racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Je ne suis malheureusement jamais venu et tout ce que j’espère, c’est que Totems touche un public.
Pour voir Totems, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.