Goûter avec Tshweesh (Interférences)
Entretien avec Feyrouz Serhal, réalisatrice de Tshweesh (Interférences)
Que signifie « tshweesh » ?
Cela veut dire bruit blanc, mais c’est également un brouillage de transmission. Plus précisément, il s’agit d’interférences vidéo et audio.
Combien de temps avez-vous passé à Beyrouth pour faire les prises de vue ?
J’habite à Beyrouth, c’est ma ville, et les lieux du film sont des endroits que je connais, qui me sont familiers. J’ai fait moi-même le travail de repérage sur le terrain, qui m’a pris environ un an, puis j’ai visité tous les lieux qui m’intéressaient en compagnie de mon chef opérateur, et nous avons décidé de tous les plans en cinq jours. Le tournage s’est effectué en huit journées très intenses.
Combien de scènes ont été jouées par des acteurs ?
Quatre-vingt-dix pour cent des scènes où l’on voit des gens sont jouées par des acteurs. Mais tous les acteurs étaient amateurs, à l’exception de Petra Serhal, l’actrice principale, qui joue le rôle de Lidia, la femme qui marche dans la rue.
Le son des bombes est-il réel ou ajouté ?
La plupart de la bande sonore, y compris les bombardements, a été créée et réalisée en postproduction. Le design sonore des bruits de bombes s’inspire de vrais bombardements et de l’effet qu’ils ont sur l’oreille humaine.
Pour Interférences, avez-vous travaillé avec des gens habitués aux bruits de guerre et de violence ?
Tout le film porte sur une ville dont les habitants sont habitués à la violence de la guerre. Les acteurs du film sont tous des Libanais qui ont déjà connu cette situation. Je leur ai demandé de rejouer les réactions qu’ils avaient eues quand ça s’est vraiment passé et je les ai guidés dans l’intensité de ces réactions selon le degré de violence de l’attaque dans le film.
Quelle est la chanson à la fin du film et pourquoi l’avoir choisie ?
Le film fait de nombreuses références à différentes époques de l’histoire de la ville de Beyrouth. Certaines évoquent les années 1980, car il y a eu une attaque israélienne en 1982 lors de la Coupe du monde de football. La chanson de la fin, « Beyn L Byout » (Entre les maisons), est une chanson libanaise des années 80 composée par Ghadi et Marwan Rahbani et chantée par le chanteur Melhem Baraket, aujourd’hui décédé. J’ai choisi cette chanson car elle est joyeuse et au moment où elle passe à la radio, elle prend le dessus sur la menace des Israéliens qui ordonnent aux habitants de Beyrouth de quitter leur ville. Voici une traduction d’un extrait des paroles : « Entre les maisons et les arcades, c’était la joie… Entre les maisons, la beauté et le rendez-vous, c’était l’extase… Les nuits nous appartenaient, oh, comme cette époque était joyeuse… »
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Vu qu’en court métrage, on se soucie moins de la sortie en salles et des bénéfices financiers, ce format donne effectivement plus de liberté à l’artiste. Dans les courts métrages, la narration peut être moins conventionnelle, un court métrage n’a pas besoin de stars ni de grands noms pour pouvoir se vendre… C’est ainsi qu’a commencé le cinéma et c’est ainsi qu’il devrait être. Sur les aspects pratiques, vu sa durée, un court métrage requiert en général moins de jours de tournage et une équipe plus réduite, donc un budget moins conséquent. En gros, le court métrage nous donne l’espoir de faire plus de films, il faut juste de la volonté et un peu de soutien financier.
Si vous êtes déjà venue, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Je viens au festival pour la première fois. C’était une magnifique surprise d’être sélectionnée. En général, je préfère ne pas avoir d’attentes et profiter des événements au jour le jour.
Participerez-vous à d’autres événements du festival de Clermont-Ferrand (débats Expresso, conférences, etc. ?)
Je vais participer au marché et à certaines conférences, et comme je travaille sur mon long métrage, I Am Here But You Can’t See Me, je profiterai du festival pour chercher de nouveaux collaborateurs.
Pour voir Tshweesh, rendez-vous aux séances de la compétition Labo L5.