Dernier verre avec Tudo o que Imagino (Tout ce que j’imagine)
Entretien avec Leonor Noivo, réalisatrice de Tudo o que Imagino (Tout ce que j’imagine)
Pourquoi avoir choisi de décrire la fin de l’adolescence dans Tudo o que Imagino ?
J’ai toujours été fascinée par cette période où les gens se séparent de l’univers de leurs parents ou de leurs tuteurs – ce qui peut arriver plus tôt, vers l’âge de 13-14 ans, ou plus tard, à 19-20 ans… Mon film précédent, Setembro (Septembre), parle d’un garçon de 14 ans qui entame justement cette étape et fait ses premiers pas vers une certaine indépendance… Mais dans cette histoire-là, le garçon était encore très attaché à sa mère. Dans Tout ce que j’imagine, je me suis plutôt intéressée à la fin de l’adolescence, l’approche de la vingtaine où l’on est déjà adulte mais que l’on dépend encore des autres pour plein de choses – le logement, l’argent, la nourriture… C’est aussi un âge où le plaisir (aller à la plage ou sortir en boîte par exemple) est associé à la liberté pure, car on n’a pas d’autres responsabilités que de vivre l’instant présent. On est plein d’attentes pour l’avenir, tout est encore possible, à portée de main. Le titre Tudo o que Imagino évoque ces attentes : que pourrais-je faire de ma vie ? On commence par faire ses premiers pas, ceux qui sont possibles, vers tout ce qu’on imagine. C’est le début d’un cheminement qui, à mon sens, va se poursuivre tout au long de la vie.
Comment avez-vous choisi les acteurs ?
Pour ce film, j’ai effectué des recherches dans les banlieues de Lisbonne avec une idée en tête, trouver une équipe de jeunes gens qui rempliraient certaines conditions : qu’ils approchent la vingtaine, qu’ils aient la fraîcheur de la jeunesse mais travaillent ou fassent des études. J’ai choisi plusieurs adolescents de trois quartiers différents (Alcoitão, Adroana et Lages) et je les ai rassemblés pour créer un groupe fictif d’amis (la plupart ne se connaissaient même pas avant de participer au film) et c’est ensemble que nous avons construit l’histoire. À ce stade, le protagoniste principal (André) a joué un rôle déterminant, à tel point que nous avons finalement cosigné le scénario du film.
Quel lien André a-t-il avec la musique et comment avez-vous travaillé cet aspect du film ?
En fait, le vrai André n’est pas spécialement dans la musique ni dans la danse… Ce sont d’autres acteurs du film qui ont apporté cette dimension : le frère d’André, que l’on voit au début du film, est DJ, et Finex, le rappeur de la première scène et auteur de la bande originale, est compositeur et artiste. J’ai déniché Finex dans le quartier de Lages et je l’ai fait venir à Alcoitão pour qu’il rencontre André et tisse des liens d’amitié pour les besoins du film. Donc ils donnent l’impression de se connaître depuis longtemps, mais ils se sont seulement côtoyés la semaine du tournage, à travers la musique, en improvisant un dialogue en rap. En fait, le vrai André ne sort même pas en boîte… mais le personnage, oui ! Parce que cela m’intéressait de montrer ces ambiances aliénantes, surtout dans certaines discothèques, où les gens des banlieues passent toute la nuit du samedi avant de rentrer chez eux par le premier bus du matin. Certes, on a l’impression que tout cela fait partie de la vie d’André, le rap, les sorties en boîte, mais c’était un univers qu’il ne connaissait pas – un sacré boulot d’acteur, je peux vous dire.
Vous intéressez-vous aux relations amoureuses et pensez-vous réaliser d’autres films sur le sujet ?
Tout à fait. C’est le sujet principal de mes films de fiction (Salitre, A Cidade e o Sol, Setembro) ainsi que de mon dernier documentaire (Outras Cartas o Amor Inventado). Je pense continuer sur cette lancée, mais si cela se présente, je suis prête à prendre une autre direction.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
En tant que réalisatrice et technicienne, c’est un format dans lequel je suis à l’aise. En tant que spectatrice, j’aime les courts et moyens métrages. Au Portugal, il y a peu de lieux pour des séances de courts métrages, en dehors des festivals, mais parfois on trouve des séances de cinéma où trois ou quatre courts métrages sont programmés et j’adore ça. Même chose en littérature, j’aime lire des nouvelles autant que des romans.
Si vous êtes déjà venue, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Oui, je suis déjà venue à Clermont-Ferrand, j’ai participé au forum co-productions pour mon film Setembro en 2014. L’expérience avait porté ses fruits, car j’y ai rencontré la productrice bulgare qui est devenue coproductrice de ce court métrage. J’ai assisté à de nombreuses séances et vu beaucoup de courts métrages qui m’ont énormément inspirée. J’avais adoré la programmation du festival et j’ai hâte de voir celle de cette année.
Pour voir Tudo o que Imagino, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I12.