Breakfast avec Udahnut zivot (Une vie inspirée)
Entretien avec Ivana Bosnjak et Thomas Johnson, coréalisateurs de Udahnut zivot (Une vie inspirée)
Quel a été le point de départ de cette histoire ? Vous intéressez-vous à la taxidermie ?
Ce qui nous a poussé à imaginer ce film, c’était un animal empaillé qui trônait sur une étagère dans notre appartement à Zagreb. Une martre des pins qui avait été figée dans l’instant. Une nature morte qui nous regardait d’en haut, l’air de vouloir nous dire une chose à laquelle nous étions incapables de répondre. À travers ce film, nous voulions aller plus loin dans notre interrogation sur le rapport à la nature. Nous sommes tous les deux fascinés par la nature et les animaux, et ce film nous a permis de proposer une réflexion introspective sur la beauté de la « conscience » de la nature, ou de sa « force de vie ». La taxidermie est souvent perçue comme une activité macabre. Il y a bien un côté boucherie dans la pratique qui consiste à préparer la chair morte de l’animal, et le fait même de tuer des animaux est foncièrement mauvais. Mais la dimension philosophique de l’acte de préserver et de ressusciter la vie par la taxidermie nous paraît intéressante, on peut d’ailleurs faire plusieurs parallèles avec le cinéma d’animation.
Quelles recherches avez-vous faites (sur la photo, sur les animaux, etc.) ?
Nous avons lu des ouvrages et des articles portant sur la taxidermie, ou écrits par des artistes contemporains qui utilisent cette pratique d’une façon conceptuelle pour évoquer l’univers de la nature. Nous avons aussi effectué beaucoup de recherches sur les tailles et les formes d’animaux afin de fabriquer nos marionnettes avec le plus de précision possible. Nous avons tous les deux l’expérience du développement en chambre noire, et notre chef opérateur (Ivan Slipčević) nous a aidés pour les scènes qui portaient spécifiquement sur la photographie.
Parlez-nous de la bande-son.
La bande-son est un aspect important du film. Nous avons travaillé avec notre ami Andrea Martignoni, qui est un formidable concepteur sonore. Nous avons opté pour une bande-son discrète, afin de créer une ambiance sonore qui souligne les émotions de la protagoniste. Nous voulions créer l’impression d’être immergé sous l’eau tout au long du film, puis exprimer son soulagement, au moment du dénouement, avec un son plus clair comme ce qu’on entend en remontant à la surface de l’eau.
Qu’est-ce qui vous a poussés à faire de l’animation ? Comment définissez-vous votre style et votre technique ?
Pour ma part (Thomas), je m’intéresse depuis ma jeunesse à l’animation en stop-motion principalement, mais c’est en rencontrant Ivana que j’ai commencé ma carrière dans ce domaine. Nous nous sommes rencontrés à Volda, en Norvège, où Ivana faisait ses études d’animation, et après son diplôme nous sommes venus vivre à Zagreb et avons commencé à travailler sur un projet de court métrage. On peut dire objectivement que le style et la technique de nos films est l’animation de marionnettes en stop-motion. Notre approche est traditionnelle : faire le maximum de ce qui est possible en vrai, sans utiliser d’images de synthèse. D’un point de vue esthétique, on vise le réalisme, mais un côté expérimental en termes de structure narrative. Il est difficile de qualifier notre travail en termes de « style » vu que nous n’essayons pas particulièrement d’en créer ou d’en imiter un.
Comment s’est passé votre collaboration ?
Magnifiquement bien ! Une vie inspirée est le deuxième court métrage que nous réalisons ensemble. Nous avons les mêmes goûts et partageons une passion pour cet art. Tout est plus facile ainsi, j’imagine : on peut échanger, travailler ensemble pour créer un film. On se partage le travail, la conception, la fabrication des marionnettes et l’animation.
Quelles sont les œuvres, les films qui vous ont inspirés ?
Il y en a beaucoup, sans doute trop pour tous les citer, mais notre liste commune comprendrait sans doute Jan Švankmajer, Andreï Tarkovski et les frères Quay.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Certainement. Le format court métrage nous a permis de rester proches de nos idées de départ, sans avoir à les édulcorer pour s’adapter à une plus grande équipe. Cette liberté nous permet de travailler de notre côté avec quelques amis proches et d’avoir une mainmise totale sur les marionnettes et l’animation. On peut faire des changements en cours de route si ça nous chante, sans se sentir contraints par des obligations venant de l’extérieur.
Pour voir Udahnut zivot (Une vie inspirée), rendez-vous aux séances du programme I8 de la compétition internationale.