Goûter avec Un homme mon fils
Entretien avec Florent Gouëlou, réalisateur de Un homme mon fils
De qui est inspiré le personnage du père projectionniste ? Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer cette relation père-fils ?
En deuxième année de la Fémis, j’ai réalisé un documentaire sur ma mère et son histoire liée à la Guerre d’Algérie. Deux ans plus tard, j’ai eu envie de finir sur un portrait de mon père, cette fois par le biais de la fiction. C’est un portrait libre. Je tenais à mélanger du vrai et du faux ; son personnage est inspiré autant de lui que d’autres, voire de moi. Par exemple, pendant l’écriture du film, j’étais projectionniste dans un cinéma, mais sans CAP : j’étais incapable de projeter une bobine ! C’est pour cette raison que le père et le fils sont opérateurs tous les deux. Ça me plaisait que Fred ne soit pas capable d’assurer dans son métier sans l’aide de son père. Il m’a semblé que c’était assez caractéristique de beaucoup de relations père-fils : en vouloir à ses parents et puis avoir quand même besoin d’eux.
Pouvez-vous nous parler un peu plus du Cotentin où se déroule l’histoire ? Connaissiez-vous bien la région ?
Je faisais du camping à Vauville, au cap de la Hague, quand j’ai eu l’idée du film ; c’est un endroit très sauvage qui s’enfonce dans la mer, avec des dunes de sable et d’herbes touffues très caractéristiques. On peut vraiment s’y perdre. On dit même que les dunes de Biville où nous avons tourné ont servi de décor lunaire à un film de science-fiction des années 70. J’ai imaginé une ballade entre un père et son fils. Et si le père se foulait la cheville au milieu des dunes, comment le fils pourrait le ramener à la voiture ? Il utiliserait sûrement la remorque pour traîner le corps de son père jusqu’au parking ; c’était une image à la fois concrète et un peu métaphorique, sur le poids du père ! Finalement tout le film s’est construit autour de cette scène. Nous l’avons même tournée, mais elle a été coupée au montage ; le film n’en avait plus besoin.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les drag queens que les protagonistes rencontrent en route ?
Cookie Kunty et Jerrie FK sont de véritables drag queens, que j’ai rencontrées pendant l’écriture du film. Elles sont jouées respectivement par Romain Eck, dont c’était le premier film, et Harald Marlot, qui est comédien. On peut les voir performer régulièrement à Paris. C’est Harald qui m’a emmené la première fois à la Jeudi Barré, la soirée hebdomadaire de Cookie (qui a lieu rue de Lappe à Bastille !). J’ai été fasciné par l’extrême rigueur de leur art, qui nécessite la maîtrise du maquillage, de la coiffure, un sens de la mode, de la scène… C’est un art total. Et pourtant, en apparence, il s’agit « simplement » de divertir les gens. J’ai eu d’abord un émerveillement d’enfant devant ces figures hyper féminines, spectaculaires. Et puis, quand j’ai connu les garçons derrière les personnages, j’ai eu encore plus envie de parler d’eux. Cette liberté qui est la leur, leur créativité.
Avez-vous des projets de long métrage en vue ?
Justement, je poursuis le travail sur les drag queens. Je viens d’aboutir un traitement de long métrage avec certains personnages du film, et d’autres nouveaux venus. On suit une bande de copains, en particulier le frère et la sœur d’Un Homme mon fils. J’ai envie de parler de questions propres à la trentaine ; la fragilité d’un parcours professionnel, ceux qui mettent au monde leur deuxième enfant quand d’autres sont encore loin d’envisager d’en avoir… Mais surtout, le film raconte une histoire d’amour. Ce que la rencontre avec une drag queen peut potentiellement venir chambouler dans une vie.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Oui, notamment sur le travail du rythme. Sur ce film, j’ai aimé que ça aille vite, qu’on puisse sauter d’une péripétie à l’autre ; c’est aussi quelque chose qu’on a trouvé avec Louis Richard au montage. On a essayé de faire une version en ne gardant que le minimum nécessaire, et puis finalement, on a rajouté très peu de choses. En écrivant, je pensais tout le temps à la première fois que j’ai vu La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock : il se passe tellement de choses que j’en suis sorti fatigué ! Là, je voulais qu’on ait la sensation d’une traversée, qu’à la fin on s’arrête pour constater ce qui a changé et ce qui ne changera pas, en dévoilant les personnages par petites touches rapides.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
J’en attends des rencontres et des surprises en tant que spectateur ! Je suis un spectateur boulimique, j’aimerais voir un maximum de choses. Je ne suis encore jamais venu au Festival, mais en 2016, j’ai eu la chance de présenter Une Histoire commune, le documentaire sur ma mère, au Festival Traces de Vies de Clermont-Ferrand. Le Festival a été créé par des membres de l’Unité de formation de travailleurs sociaux, qui utilisent les documentaires comme ressources pour leurs étudiants. J’ai trouvé le projet magnifique ; que le cinéma et le travail social se rencontrent autour des films. C’est tout ce qu’on peut espérer quand on fait un film ; qu’il serve.
Autres diffusions publiques ?
Le film a été projeté en septembre 2017 à la Cinémathèque dans le cadre des reprises de la Fémis et en novembre au Festival d’Amiens pour une carte blanche à la Fémis. En novembre, il a également reçu le prix du public au festival LGBTQ+ Chéries-chéris à Paris, et celui du meilleur court métrage étudiant au LEFFEST à Lisbonne. Enfin, en janvier dernier, il était projeté au Festival Premiers Plans à Angers, et au FIPA à Biarritz, dans la sélection « Jeune création ».
Pour voir Un homme mon fils, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.