Breakfast avec Vidi ja ti nea (Regardez-moi ça)
Entretien avec Goran Stolevski, réalisateur de Vidi ja ti nea (Regardez-moi ça)
Pourquoi avez-vous choisi ce titre, « Vidi ja ti nea » ?
C’est une expression courante en Macédoine, et selon le contexte, elle peut exprimer soit l’admiration, soit le mépris – voire les deux. Comme on retrouvait cette expression à un moment des dialogues, il m’a semblé naturel d’en faire le titre du film. Littéralement, cela signifie « Regardez-la », mais « Regardez-moi ça » est plus expressif.
La protagoniste est-elle inspirée d’une de vos connaissances ? Quel côté de son caractère vouliez-vous mettre en avant dans le film ?
J’écris en général des histoires sur les femmes. Les gens qualifient souvent mes personnages de « femmes antipathiques», mais personnellement je ne vois pas ce qu’elles ont d’antipathique. La protagoniste du film n’est pas inspirée de qui que ce soit en particulier, mais en écrivant l’histoire, j’avais une idée très précise de l’énergie qu’elle dégagerait. J’avais l’impression d’écrire sur quelqu’un que je connaissais en vrai, mais sans savoir de qui il s’agissait. Avec le recul, je retrouve beaucoup de ma propre personnalité dans ses paroles, ses manières et son tempérament. Et cela fait seulement quelques jours que j’ai compris que c’était une constante dans mon travail. Quand on pense que j’ai réalisé 25 courts métrages et écrit neuf scénarios de longs métrages, il est ironique de constater qu’il m’a fallu tant de temps pour remarquer ça, ha ha !
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce rituel ?
C’est un rituel annuel qui a lieu tous les 19 janvier dans beaucoup de pays orthodoxes des Balkans – deux semaines plus tôt en ce qui concerne la Grèce, il me semble. Dans presque chaque village ou chaque ville, les gens se rassemblent pour regarder leur prêtre lancer une croix bénite dans une rivière ou une piscine. Des jeunes hommes se jettent à l’eau pour l’attraper. Celui qui y parvient gagne les bénédictions du prêtre ainsi qu’une année de « bonheur et de bonne santé » pour sa famille. Ces dernières années, des sponsors se sont greffés à ce prix, en proposant des téléphones portables, des télés à écran plat etc. Ce n’est que récemment que les femmes ont commencé à se porter également volontaires, et dans beaucoup de communes de Macédoine, elles se sont heurtées à une certaine résistance, voire à une interdiction pure et simple. Ironie du sort, la réalité a dépassé la fiction de l’autre côté de la planète, à Melbourne (où je réside actuellement) : dans la communauté grecque, c’est une fille qui a attrapé la croix cette année. C’est super.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours de réalisateur ?
J’ai fait un Master au « Victorian College of the Arts » de Melbourne. Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’Australie, la Macédoine et le Royaume-Uni. J’ai réalisé 25 courts métrages avec lesquels j’ai participé à plus d’une centaine de festivals, dont Sundance, Raindance, Melbourne, Sydney, London Shorts, Iris Prize, Frameline, Newfest et enfin – j’en suis très heureux – Clermont-Ferrand. J’ai écrit neuf longs métrages et passé plusieurs années à travailler aux côtés de scénaristes de séries télévisées, à Melbourne et à Londres. Comme je l’ai dit plus haut, la plupart de mes histoires parlent d’anti-héroïnes au caractère « difficile », ou encore de migrants, d’homosexuels. J’ai surtout fait des films dramatiques, mais je m’apprête à réaliser plusieurs épisodes d’une série fantastique, donc je commence à ouvrir mes horizons, ha ha !
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
J’imagine qu’il laisse plus de place à l’expérimentation et la prise de risque, vu que les budgets et les enjeux sont sensiblement moindres. Mais à vrai dire, je trouve que le court métrage présente plus de contraintes que le long, à la fois en termes de trame narrative et, en général, en termes de budget. Et pourtant, ces contraintes peuvent s’avérer extrêmement bénéfiques, car elles font sortir ce qu’il y a de meilleur chez les cinéastes en termes de compétences et de discipline.
Si vous êtes déjà venu, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’attendez-vous de cette édition ?
J’espère que notre histoire touchera des gens venus de l’Europe entière (et au-delà !). Et j’espère qu’elle montrera que, devant ou derrière la caméra, la Macédoine regorge de jeunes artistes bourrés de talent et très audacieux (comme le prouvent la formidable interprétation de Sara Klimoska dans le rôle principal et les superbes images de Naum Doksevki). Venez donc nous rencontrer pour en discuter !
Pour voir Vidi ja ti nea (Regardez-moi ça), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I14.