Breakfast avec Vihta
Interview de François Bierry, réalisateur de Vihta
Comment vous est venue l’idée de cette journée d’entreprise bien particulière ?
Je voulais faire un film autour de l’entreprise. Et un jour, avec ma compagne, nous sommes allés dans des thermes en Flandre. Nous nous sommes aventurés dans la partie naturiste. Dans le jacuzzi, des gens d’âges différents parlaient, entre eux, du service compta’ de leur boîte. Ils étaient tous collègues. J’ai trouvé extraordinaire qu’une entreprise organise pour ses employés une sortie dans un lieu où on est obligé d’être nu. Un formidable terrain pour un film.
Êtes-vous intéressé par la question des rapports de force et envisagez-vous de réaliser d’autres films sur ce thème ?
J’aime les personnages qui font front, après avoir subi. J’aime l’idée de résistance, même vaine. Surtout dans un monde où la lutte est de moins en moins à la mode.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à l’intimité et à la pudeur ?
J’utilise le conflit de la nudité et de la pudeur car elle me permet d’aborder de manière ludique le culte et la tyrannie de la transparence, l’obligation insidieuse de vérité, de mise à nu pratiquée de manière unilatérale dans les grandes entreprises. La notion de pudeur est culturelle, le rapport à la nudité est très différent entre les pays nordiques et les pays latins. Jouer sur cette notion est très jubilatoire pour une comédie, elle permet de révéler plein de choses dans un contexte de sortie d’entreprise : est-on prêt à se mettre à poil pour garder son boulot ?
Quelle est votre histoire avec le genre du western personnellement et pour Vihta ?
Grand fan du western, classique ou spaghetti. Le western, c’est le cinéma. Il y a tout dedans : le temps, l’espace, le mouvement, le conflit, la tension, l’action, le duel. La violence aussi. Le monde de l’entreprise est beaucoup plus violent que la plupart des westerns. Le nombre de suicides sur son lieu de travail est affolent. Sans parler du nombre de burn out. Dans Vihta, j’ai insufflé, surtout pour la scène du climax, des codes du western : le duel. Un face à face légèrement absurde entre l’employé et l’autorité.
Que pensez-vous du monde du travail d’aujourd’hui ?
L’individualisme a cassé la notion de corps. L’idée d’une classe ouvrière a disparu, alors qu’aujourd’hui il y a clairement deux mondes. L’uberisation est un acte de plus vers l’individualisation, on détruit les dernières protections sous couvert de lutte contre le chômage. Le monde du travail s’est précarisé à un tel point que les gens acceptent de bosser plus pour moins. Le bâton du licenciement pousse jeunes et vieux à accepter des choses qu’on n’aurait même pas imaginé il y a 20 ans.
Les nouvelles générations sont-elles trop adaptables et les anciennes plus aptes à résister aux pressions ?
Je ne pense pas que ce soit une question d’âge ou de générations, mais de contexte mis en place.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apporté en particulier ?
Je prépare énormément mes films, tout en laissant un espace de liberté au jeu, et ce pour n’avoir que des bonnes surprises au tournage. J’aurais espéré pouvoir tourner en pellicule mais au dernier moment, ça ne s’est pas fait pour une petite question budgétaire. En long métrage, je pense que ce sera encore plus compliqué. Le format court permet de tenter des choses, de se planter alors que pour le long, les enjeux sont tels qu’il y a une autre pression. Mais j’espère pouvoir travailler de la même manière pour mon premier long métrage que pour mes courts métrages.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
Première fois. J’espère des belles rencontres, voir des films incroyables, du toupet !
Pour voir Vihta, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.