Breakfast avec La virée à Paname
Première tablée de la Brasserie :
Entretien avec Carine May et Hakim Zouhani, réalisateurs de La virée à Paname
Il y a trois ans, vous avez présenté le long métrage « Rue des cités » et cette année vous avez réalisé, entre autres, le court métrage La virée à Paname.
Quel intérêt trouvez-vous à chacun de ces domaines cinématographiques ?
Ces deux formes ont du charme. Le long, c’est permettre à une histoire de s’accrocher, aux personnages d’être complexes. Dans le court, c’est l’élan, l’énergie, comme un souffle nécessaire qui emporte.
Tout dépend de l’histoire que l’on veut raconter. Passer de l’un à l’autre nous plaît. On espère le faire encore longtemps. C’est même le court qui nous a donné envie de plonger dans notre premier scénario…
Aviez-vous déjà présenté un court métrage à Clermont-Ferrand ? Et aviez-vous été sélectionné auparavant ?
Nous avions présenté Fais Croquer (réalisé par Yassine Qnia). Qu’on avait co-écrit à quatre !! Et… pas pris ! Mais le film a eu une très belle carrière.
Carine : Et pour la petite histoire, mes parents sont auvergnats. De l’Allier et des Combrailles. Alors, le festival de Clermont, je connais ! J’y vais depuis que je suis môme, embarquée par mes cousines et ma tante. Alors y présenter aujourd’hui nos deux films (ndlr : La virée à Paname et Molii), c’est touchant.
Hakim : C’est peut-être même ce festival qui nous a donné envie de faire du cinéma.
Comment avez-vous casté vos comédiens ? Et surtout le comédien jouant Mourad (personnage principal) qui est fantastique… ?
Nos comédiens, c’est souvent nos proches. On veut des vraies gueules, un phrasé populaire qui nous ressemble, un certain naturel. Et cette fraicheur, on la trouve souvent chez nos comédiens « amateurs ». On aime travailler avec eux. Ils sont généreux, aucune prise ne ressemble à l’autre. Ils n’ont pas peur de tenter des choses dans le jeu.
Et merci pour Vessale ! On lui dira ! Il ne nous croit pas quand on lui dit qu’il est bon ! Il n’avait jamais joué. Il est au mot près. On le voulait lui, et pas un autre. Et on pense que c’est important d’écouter ce genre d’intuition.
En dehors de votre collaboration, faites-vous aussi des projets cinématographiques en solitaires ?
C’est vrai qu’écrire à plusieurs mains on aime ça… Quand les idées fusent, se mélangent entre elles.
Il nous arrive d’écrire certains scénarii chacun de son côté. Et nous produisons aussi certains projets, grâce à notre boîte de production NOUVELLE TOILE (avec Rachid Khaldi).
Avez-vous vous-mêmes suivi ou animé des ateliers d’écriture ?
Carine : J’ai suivi des ateliers d’écriture, il y a quelques temps. Mais surtout, ce qui m’a formé, c’est mon expérience en tant que journaliste radio. Le choix des mots, l’efficacité, le ton.
Dites-nous quelque chose de l’autocensure artistique… Une anecdote personnelle ?
Là, chacun sa position…
Carine : Elle est très présente dans La virée, n’est-ce pas ?! C’était important d’en parler. Je n’ai pas d’exemple particulier. C’est d’ordre plus général, comme une sensation, une hésitation, un manque de légitimité. Cette notion de ne pas oser me semblait universelle. Qui n’a pas connu ça ?
Mais le cap est passé…
Hakim : C’est vrai qu’aujourd’hui, on est plongés dans l’écriture, dans la réalisation mais aussi dans la production… Et indirectement, je pense qu’on s’autocensure parce qu’on a des chiffres en tête quand on écrit. Mais c’est plus valable pour nos projets de longs métrages que pour nos courts.
Comment trouvez-vous l’inspiration pour écrire, et comment l’avez-vous trouvée pour ce film en particulier ?
Carine : Je voulais un mec empêché. Entravé. Même par ceux qu’il aime et qui l’aiment. Je ne fais pas comme Mourad, assise en bord de Seine ( !). Je me suis concentrée sur toutes ces entraves. Et je voulais parler du moment où on décide d’assumer ses envies face aux autres. Là, il s’agit d’écriture, mais on pourrait aussi bien parler de tas d’autres métiers, d’escalade ou de cuisine ! On parle surtout d’envie.
Mais l’inspiration la plus riche, c’est celle du quotidien. Vraiment.
Êtes-vous du genre à vous isoler pour écrire ?
Oui, et comme pour Mourad… C’est pas facile !!!
Vous êtes particulièrement sensibles aux thématiques dites des quartiers. Est-ce que ce choix génère des blocages ou au contraire, simplifie-t-il votre parcours professionnel ?
On ne sait pas trop. Je pense que notre thématique est surtout sociale. Les quartiers, la périphérie, c’est notre décor. Et dans ce décor, toutes les histoires sont possibles : l’amour, l’aventure, …
Ce dont on parle, c’est de la classe populaire, avant tout. De la majorité des Français.
Vous montrez la cité comme un environnement d’interactions, où tout le monde se connaît. A contrario, Paris est la ville de l’anonymat, où se croisent habitants, franciliens, français en visite et touristes étrangers… Comment pensez-vous que l’anonymat parisien est vécu pour ceux qui voient leur quartier comme un village ?
Ambivalent. Comme froid et en même temps synonyme de liberté ! Le village, c’est le cocon, mais c’est aussi la commère à sa fenêtre qui regarde ce qu’on fait !!!
Pour finir, des anecdotes sur des virées, à Paname ou ailleurs, que vous auriez faites et qui auraient été surprenantes ou déterminantes ?
Carine… En vrai ? A Paname !!! Pour mes études, des rencontres clés. Et mes virées en Auvergne, qui me nourrissent à chaque fois. Je m’y sens enracinée.
Hakim : Des virées à Paname, adolescent, il y en a eu des tas, avec pour chacune son lot de galère : panne de voiture, rater le dernier métro et dormir sur le quai pour attendre le premier, rentrer à pied, se faire refouler de boite… Des tas d’histoires qui donnent de l’inspiration.
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Pour voir La virée à Paname, rendez-vous aux séances de la Compétition Nationale F3
Hakim Zouhani et Carine May ont aussi réalisé avec Yassine Qnia et Mourad Boudaoud le court métrage Molii, en compétition nationale (séance F2) et diffusé avec le programme scolaire des 13-18 ans (séance SCO).