Breakfast avec La voie rouge
Entretien avec Frédéric Ramade, réalisateur de La voie rouge
Comment vous est venue l’idée d’aller à la rencontre de cet homme-médecine ? Comment avez-vous conçu votre tournage ?
J’ai rencontré Steven un peu par hasard, par l’entremise de connaissances communes, lors de sa première venue en France, il y a quelques années. Je n’avais pas une idée très claire au départ de la direction que je voulais suivre. C’était autant la dimension « magique » du medecine man que l’exotisme qu’il véhicule en tant que Lakota, qui m’intéressait. Un exotisme un peu particulier puisque le film se passe en France et que c’est Steven qui vient à nous.
Que représente la voie rouge ?
C’est la doctrine spirituelle des indiens Lakota. Le vrai nom est Voie Sacrée de la Pipe Rouge, mais les pratiquants parlent volontiers de Voie Rouge. C’est un ensemble de démarches et de pratiques spirituelles qui a trouvé un véritable renouveau à partir des années 1970 et s’inscrit dans un processus de reconquête identitaire.
Êtes-vous généralement intéressé par la thématique de la religion et du rapport au mystique qui l’entoure ?
Je m’intéresse depuis longtemps aux pratiques chamaniques dans différents territoires du globe. Je suis fasciné par leur capacité à réunir des pratiques collectives aussi éloignées chez nous que la thérapie, la religion ou le spectacle. Mais le religieux en soi ne m’intéresse pas beaucoup. C’est plus la capacité des hommes à générer du récit autour de pratiques collectives qui m’intrigue.
Combien de temps a duré le tournage et jusqu’où aviez-vous le « droit » de filmer ?
Le tournage a été assez rapide, deux semaines, précédées évidemment d’un travail de repérage et d’enquête. C’était un tournage compliqué, du fait de la réserve de certains participants au rituel vis à vis de la caméra, et de l’interdiction de filmer certains éléments de rituels. Sachant que chez les Lakota, l’essentiel des rituels se déroule dans l’obscurité la plus complète rendant de toutes façons toute idée de tournage impossible ou factice.
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Avez-vous entrepris ce voyage dans l’attente d’une aventure hors du commun ?
J’ai, comme beaucoup, eu envie que quelque chose d’extraordinaire se passe lors de la première rencontre avec Steven mais j’ai vite compris que cette attente était illusoire et que l’essentiel était ailleurs. D’autant plus qu’en avançant dans le projet il m’est apparu que ce n’était pas tant mon rapport à la croyance qui était en jeu que celui à une figure exotique, l’Indien, dont il convenait de faire le deuil.
Concernant les séquences vous présentant dans votre appartement, à quel point est-on dans le réel ?
Ces séquences sont fictionnelles. Mon quotidien est plus confortable. Mais il s’agissait d’illustrer un certain état psychique intérieur du personnage, état dans lequel j’ai pu me trouver dans le passé.
Quelle place accordiez-vous à vos rêves et à leur interprétation dans votre quotidien avant la rencontre avec l’homme-médecine ? Avez-vous déjà suivi une psychothérapie dans laquelle l’interprétation des rêves est évoquée ?
J’ai de longues années de pratique de la psychanalyse derrière moi, et une certaine proximité avec mes rêves. Mais l’approche qu’ont les Lakotas de leurs rêves est bien plus libre que la nôtre et surtout moins analytique.
Pensez-vous que les groupes aient besoin d’adversité pour se construire ? Ou de communion ? Ou des deux ?
On peut communier autour d’un ennemi commun, ou d’une cause qui nous dépasse, voire les deux. Mais l’homme est un animal profondément social et il ne peut s’épanouir je pense qu’au contact de ses semblables, et dans une certaine communion. C’est ce besoin de communion que les rituels de toutes sortes, et les religions, mettent en scène et actualisent.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule « familiale » et la « méga » cellule sociétale ?
Je pense que le cinéma, sans distinction de court ou de long ou de moyen, devrait plus fréquemment et de façon critique questionner ces thématiques.
La voie rouge a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
Il n’y a pas d’auto-production dans La voie rouge, c’est un film produit par plusieurs producteurs associés qui a bénéficié d’une aide du CNC.
Pour ce qui est de l’aspect « français », m’intéressant à la question exotique, comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pu le faire qu’en partant de mon environnement qui se trouve être la France. Mais je n’ai pas travaillé avec des références particulièrement « françaises » ni eu l’envie de typer le film en ce sens. Il est vrai néanmoins que j’avais envie que les décors que nous traversons avec Steven dans le film et les lieux que nous fréquentons rendent compte d’une France archétypale, géographiquement du milieu, sans qualités marquées. Un environnement suffisamment dénué de repères précis pour donner le sentiment à chacun qu’il le connaît déjà. Dans les faits, le film a été en grande partie tourné dans la grande couronne parisienne, et en Anjou pour les scènes de rituel.
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La voie rouge, était présenté aux séances de la compétition nationale F4.
Les spectateurs de la séance F4 au cinéma Le Rio jeudi 11 février à 14h ont pu discuter avec le réalisateur à l’issue de la projection.