Breakfast avec Proch (Poussière)
Entretien avec Jakub Radej, réalisateur de Proch (Poussière)
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de faire un film sur les moments qui suivent immédiatement la mort ?
Je ne sais pas. Il y a toujours plusieurs raisons qui vous poussent à faire un film. Quand j’avais environ six ans, je suis allé à l’enterrement de mon oncle dans son village. Le cercueil était ouvert et le corps exposé dans le salon. Tous les voisins et les membres de la famille pouvaient venir faire leurs adieux à tonton Bogdan, et même toucher le corps. C’était une occasion de le voir une dernière fois. Aujourd’hui, on n’a plus cette possibilité. Les gens meurent à l’hôpital, on les cache, on vient les prélever sur leur lit d’hôpital, et au cimetière, tout ce qu’on voit c’est une urne remplie de cendres. J’ai aussi beaucoup réfléchi à la valeur de la vie humaine. Pourquoi sommes-nous là, que laissons-nous après notre mort ? Quand on pense trop à ces choses-là, on finit par faire un film comme le mien.
Comment avez-vous tourné la scène de l’ambulance ? Est-ce que certaines scènes du film ont été jouées ou tout est-il authentique ?
Nous avons tout simplement fixé la caméra dans le véhicule de façon à ce qu’elle soit bien stable et nous avons attendu qu’il y ait un appel. Mais pour éviter de mettre une vie en danger, nous étions prêts à sortir très vite. Nous ne voulions pas déranger le travail des secours ni la personne à secourir.
Seule une scène du film a été reconstituée pour nous car nous n’avions pas la permission de filmer en vrai, mais les personnes jouaient leur propre rôle face à la caméra. Elles exécutaient leurs tâches de tous les jours sur leur lieu habituel de travail. Et nous avons fait en sorte que tout soit exactement comme ce que nous avions vu la veille en vrai (avec mon chef opérateur).
Qui est la personne que l’on place dans le cercueil et dont les affaires sont vendues aux enchères ?
Une personne seule, sans famille. À sa mort, ce sont les services de la ville qui s’occupent de ses affaires et de ses biens, ainsi que du cercueil et des funérailles. C’est une procédure spéciale. Tout le film évoque les personnes comme elle. Peu importe son nom, peu importe où elle habite. Elle représente monsieur tout le monde, elle est comme moi.
Pourquoi n’avoir pas montré le logement, le lieu de vie, les pièces que l’on vide de leurs habitants et de leurs objets ?
Je n’ai pas voulu montrer ces lieux car cela reviendrait à parler d’une nouvelle vie. Je voulais me concentrer sur la « vie » de ma protagoniste. L’appartement, on le vide et il ne reste plus aucune trace d’elle.
Vouliez-vous faire un film totalement contemplatif ? Parlez-nous de votre travail sur le son.
La prise de son a été faite à cent pour cent sur le terrain, puis nous avons effectué quelques retouches en postproduction. Deux excellents spécialistes du son en postproduction, Tomasz Dukszta et Jan Chojnacki, nous ont aidés à créer un son déshumanisé, évoquant le bruit d’une usine. C’était un élément clé de la bande sonore et de l’histoire.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je n’ai pas d’expérience en long métrage, mais je pense que dans un court métrage, il faut être plus précis dans la narration. Chaque plan doit avoir son importance. Mais on peut aussi s’autoriser des délires qui ne passeraient pas du tout dans un long métrage.
Si vous êtes déjà venu, pouvez-vous nous raconter une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
Ce sera la première fois que je viens à Clermont-Ferrand. J’espère rencontrer de super réalisateurs, et que mon film sera vu par plein de gens, et s’il leur procure une minute de réflexion silencieuse sur ces questions, je serai très content. Ce sera mon premier festival international avec ce film, j’ai donc hâte de voir comment les gens vont réagir.
Pour voir Proch (Poussière), rendez-vous aux séances de la compétition Labo L1.