Goûter avec Girl in the Hallway (La petite fille dans le couloir)
Entretien avec Valerie Barnhart, réalisatrice de Girl in the Hallway (La petite fille dans le couloir)
Quelle a été la genèse de cette adaptation ?
Je suis très branchée poésie et je suis tombée sur la performance parlée de Jamie DeWolf sur YouTube. J’ai tout de suite su qu’il fallait en faire en film – le problème, c’est que je n’avais aucune compétence en réalisation, et encore moins en animation. Après l’avoir contacté et obtenu son consentement, je me suis enfermée pour apprendre l’animation en autodidacte.
Est-ce véritablement l’histoire d’une personne qui vivait dans l’immeuble de Xiana Fairchild ?
J’ai vérifié autant que faire se peut toutes les informations liées à cette histoire, et malheureusement, chaque détail de ce terrible témoignage est véridique.
Comment avez-vous mené vos recherches ?
Dans le milieu du fait divers, on s’attache beaucoup au détail. En cherchant simplement sur Google, on trouve des bases de données comportant des archives d’articles de journaux et de témoignages d’audiences. En tant qu’artiste, je suis très axée sur la recherche. J’ai passé des mois à étudier le mouvement de la fumée. J’ai créé des dizaines de vidéos pédagogiques sur le travail de pantomime. Je suis allée dessiner dans des musées. J’ai fait des recherches sur les meurtres et les disparitions de femmes et de petites filles d’origine indigène. J’ai passé pas mal de temps à étudier l’anatomie. J’ai potassé sur les artistes et cinéastes de référence, notamment du mouvement expressionniste allemand. Réinventer le monde ne m’intéresse pas, je préfère m’inspirer des petites choses qui m’entourent pour résoudre les problèmes qui se posent au fil de la réalisation du film. Il y a eu des journées sympas – comme cette journée passée dans une prairie (à observer comment on pouvait dissimuler un corps). D’autres étaient plus pénibles (quand j’ai dû étudier des autopsies de bébés, des cadavres carbonisés). J’ai fini par savoir très bien évaluer l’âge d’un crâne, entre autres compétences sordides, à cause de la recherche visuelle liée à ce film.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre technique d’animation et votre utilisation de la peinture et des collages ?
L’animation image par image en 2D a été toute une aventure. J’ai enfreint les règles. J’ai mis les mains dans le cambouis (au sens propre aussi, car au bout d’un moment j’avais des traces de fusain en permanence sur les mains). J’ai fait des expériences. J’étais obligée, car j’apprenais sur le tas, et j’avais pour seuls professeurs des bouquins et Instagram. Visuellement, toute l’animation fonctionne grâce au soin que j’ai apporté aux transitions entre les techniques, entre les styles. J’ai fait l’animation en un seul bloc (plan 1, 2, 3 etc.) et en une seule prise. Aucune incrustation. Toute la partie animation a été faite en temps réel. Évidemment, j’ai pris cette décision tellement tôt et à la va-vite que je n’imaginais pas tout le bidouillage que ça allait impliquer. Mais au final, je suis contente de la tournure que ça a pris. Il y a eu beaucoup de ratages, mais j’ai dû apprendre à ne pas trop m’attacher à ma production, et c’était un pas intéressant dans ma pratique de création. J’ai parfois dû détruire tout ce que j’avais fait pour pouvoir faire le plan suivant, et ça m’a appris à donner de la vie à mes dessins. En les laissant vivre et mourir. Ça vous rend humble, cette sorte de « mort de l’ego » de l’artiste. L’animation, avec le soin méticuleux qu’il faut apporter au détail, correspond parfaitement à mon tempérament. Mon prochain film sera un film d’animation, c’est obligé (mais je saurai un peu mieux dans quoi je m’embarque).
Qui a fait la voix off ?
Jamie DeWolf a fourni son enregistrement du texte.
Avez-vous envie de vous essayer à plusieurs techniques d’animation ? Quels sont vos projets à court terme ?
Je bosse sur une comédie qui parle des problèmes sexuels des monstres en enfer, et je m’éclate. Bien sûr, il s’agit d’une animation. Cette fois, c’est de la 2D numérique. Je veux apprendre à bosser avec le numérique – ça va donc être un chouette défi créatif pour moi.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je suis tombée sur une histoire qui était dévolue au format court. Je n’ai donc jamais été amenée à me poser la question du choix entre le format court et le long en tant que réalisatrice. D’avoir une histoire courte à la base, c’était moins intimidant et j’avais plus de chances de m’en tirer correctement.
Pour voir Girl in the Hallway (La petite fille dans le couloir), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I1.