Dîner avec Plot
Entretien avec Sébastien Auger, réalisateur de Plot
Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’univers musical et dans le rapport au genre de la comédie musicale ?
La musique est une passion du quotidien, qui nourrit en grande partie mon imaginaire. Par exemple, j’écris toujours en musique et souvent un morceau peut me permettre de trouver le bon ton ou la couleur d’une séquence. Donc dès les premières versions Plot était déjà un film musical, c’est avec l’appel à projets de Sofilm de genre qu’il est vraiment devenu une comédie musicale. Personnellement, je suis plutôt fan de comédie musicale, mais en écrire une est une autre paire de manches. Très vite, mon rapport lors de l’écriture avec ce genre a été conflictuel, ce qui a déteint sur Michel, le personnage principal du film, qui progressivement, s’est retrouvé à détester la comédie musicale et à en devenir le souffre-douleur. Rien n’a vraiment été calculé, mais ce qui m’a intéressé avec Plot c’est de tordre le genre de la comédie musicale, de l’ausculter en la déstructurant d’un point de vue intime et personnel. Et puis, faire une comédie musicale, c’était aussi l’occasion de retravailler avec Stéphane Laporte et de pousser nos expériences précédentes encore plus loin.
À quel point avez-vous donné d’importance à la rencontre sentimentale à l’écriture, au tournage et au montage ?
Lors de l’écriture, le personnage féminin joué par Fleur Geffrier avait beaucoup plus d’importance, mais comme tout le reste d’ailleurs, le scénario faisait 35 pages. J’ai dû resserrer pas mal d’éléments et faire quelques sacrifices pour faire rentrer le film en 20 minutes tout en gardant la sève du voyage de Michel et du plot. Même si ce moment de la rencontre sentimental est fugace, il est essentiel dans le parcours du personnage, car c’est un échantillon du futur de Michel quand il aura réglé son histoire de plot (et ses traumas). Du scénario terminé, au tournage, au montage, la rencontre sentimentale n’a pas tant évolué que ça, en tout cas j’ai eu la chance de pouvoir la préserver et de ne pas devoir faire trop de sacrifice au tournage, ce qui m’a permis d’éviter de reconstruire complètement le film au montage.
Étiez-vous davantage intéressé par l’ambiance créée, la sensation de confusion et d’absurde ainsi amenée, ou par la quête de sens du personnage qui traverse différentes émotions face à l’arrivée de ce plot dans sa vie ?
Un mélange des deux mais on va dire que la quête de sens du personnage m’a permis de trouver un chemin dans les différentes sensations que je voulais faire ressentir au spectateur. J’aime bien aussi quand un film m’échappe en termes d’ambiance et d’absurde, beaucoup de sensations ont été travaillées au feeling, en additionnant plusieurs couleurs, venant de la musique, des comédiens ou des décors, c’est un processus instable, mais quand ça marche c’est assez magique. Déjà mettre un plot dans les mains d’un comédien, pose une bonne base d’absurde, après c’est ce chemin de Michel qui nous a permis de trouver le “vrai ton” du film.
Comment vous est venue l’inspiration pour la séquence du bâtiment administratif ?
Il y a un côté kafkaïen dans l’histoire de Michel et de son plot, il se devait donc de buter face aux normes et à l’administration pour trouver sa voie. Et puis le film peut aussi se réécrire lors des repérages et à cause de contraintes financières. Le décor du bâtiment administratif (ou l’usine) devait être à la base bien plus proche d’un hall d’aéroport, mais finalement j’ai dû changer de décor en dernière minute pour des raisons financières. Le décor que l’on voit dans le film s’est présenté à nous peu avant le tournage et s’est révélé être plus inspirant et moins cliché que ce que j’avais en tête à l’origine.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à la mer ?
C’est l’idée de la cérémonie viking qui m’a toujours intéressé. Aussi, dès les premières versions du scénario, le final était porté musicalement par un morceau de Moondog (le Viking aveugle), la mer s’imposait donc naturellement. La mer ou l’océan c’est aussi l’ouverture vers un ailleurs, comme une sorte d’horizon infini et rassurant. C’était aussi une bonne excuse pour tourner en Normandie et aussi faire souffrir toute l’équipe sur une plage de galets, et évidemment de tester la prise au vent du steadycamer Valentin Clarke.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je n’ai pas encore fait de long métrage donc je ne sais pas si le court-métrage m’a apporté des libertés. Après, j’ai toujours l’impression d’être passé entre les mailles du filet avec Plot, qu’on me fasse confiance et qu’on me finance pour cette histoire absurde, me laisse toujours un peu rêveur. On peut dire que mes producteurs, Pascal et Déborah de À Travers Le Miroir, ont été courageux, quasiment au bord de l’inconscience, tout comme Pascale Faure et Brigitte Pardo de CANAL+ et Thierry Lounas de Sofilm. Le court-métrage devrait être toujours vu comme ça, comme une zone punk où on se teste, où on se lâche, où on fuit les conventions et le calcul.
Pour voir Plot, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F9.