Lunch avec Belle River
Entretien avec Guillaume Fournier, Samuel Matteau et Yannick Nolin, coréalisateurs de Belle River
À quel point êtes-vous intéressés par la question du réchauffement climatique et envisagez-vous de réaliser d’autres films autour de cette question ?
La question de la crise climatique nous interpelle tous les trois et il est à prévoir qu’elle s’inscrira à différents niveaux, dans nos œuvres futures. Considérant les bouleversements à venir, nous croyons qu’il sera difficile d’éviter la question, ne serait-ce qu’en arrière-plan de nos prochains récits. Après, il y a mille et une façons de traiter d’une telle thématique et nous sommes convaincus que nous réussirons à évoluer, dans nos œuvres respectives, sans jamais avoir l’impression de nous répéter, ou de sombrer dans une quelconque forme de didactisme !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de tourner dans cette région en particulier ?
Les paysages, évidemment. Mais aussi la culture. La langue. L’histoire. La musique. L’identité cadienne. Belle River est le troisième volet d’une trilogie documentaire que nous avons tournée en Louisiane. Si le premier volet de notre trilogie (Laissez les bons temps rouler) s’intéressait surtout au passé et à la culture des Cadjins, et le second volet, à son articulation dans le présent (Acadiana), on pourrait dire que cet ultime volet ouvre une fenêtre sur le futur anticipé de ces hommes et de ces femmes tranquilles, qui comptent parmi les toutes premières victimes de la crise climatique, aux États-Unis. Passé, présent et futur d’un peuple menacé, mais résilient, toujours. Et oh combien inspirant !
Comment avez-vous démarché les interviewés et quelle proportion de leurs témoignages avez-vous conservée ?
Nous avons fait la rencontre de nos personnages un peu par hasard, grâce aux conseils et aux interventions d’amis d’amis, si l’on peut dire. À travers ces rencontres fortuites, nous avons tout de suite reconnu des gens de cœur, que nous avions envie de raconter, à travers notre film. Comme il s’agit d’un court métrage, nous estimons avoir conservé environ 10 à 15 % de leurs témoignages. Un autre montage aurait certainement mené à la construction d’un tout autre film. C’est le jeu du cinéma documentaire. Tant et aussi longtemps que l’on ne trahit pas nos personnages, ou l’essence de leurs propos, c’est un travail de construction à partir du réel qui se révèle toujours aussi fascinant.
Selon vous, à quel point l’abandon de ces personnes par les pouvoirs publics les condamne à mort et y a-t-il encore des jeunes qui vivent dans ce secteur ?
Nous ne croyons pas que nos personnages sont condamnés à mort. Du moins, pas plus que quiconque, sur cette planète ! Les Cadjins sont des survivants. Cette caractéristique est bien inscrite dans leur identité comme dans leur histoire. Bien que leur territoire soit possiblement appelé à disparaître, nous pouvons toujours espérer qu’ils trouveront une façon de subsister, malgré le manque de soutien des pouvoirs publics. L’entraide, la foi et la résilience sont autant de bouées ou de moteurs qui pourraient leur permettre de s’inscrire, dans la suite du monde.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqués ?
Guillaume : Plusieurs ! Voisins (1952) de Norman McLaren. La Jetée (1962) de Chris Marker. The Big Shave (1967) de Martin Scorsese. Autobiographical Scene Number 6882 (2005) de Ruben Östlund. Next Floor (2008) de Denis Villeneuve. Bleu tonnerre (2015) de Philipp David Gagné et Jean-Marc E. Roy. Plus récemment, Madre (2017) de Rodrigo Sorogoyen. Retouch (2017) de Kaveh Mazaheri. Min Börda (2017) de Niki Lindroth von Bahr. Tesla : lumière mondiale (2017) de Matthew Rankin. Excess Will Save Us (2018) de Morgane Dziurla-Petit. Swatted (2019) d’Ismaël Joffroy Chandoutis, etc.
Samuel : Fauve (2018) de Jérémy Comte.
Yannick : Le Temps des bouffons (1985) de Pierre Falardeau. Next Floor (2008) de Denis Villeneuve. Pharmakon (2020), de Jean-Martin Gagnon.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
L’honnêteté. Les propositions malhonnêtes font rarement, voire jamais, de bons films.
Pour voir Belle River, rendez-vous aux séances de la compétition labo L2.