Rétrospective thématique 2023 : Libido
Se poiler, se dépoiler
Après une rétro érotisme en 1996, Kamera Sutra, un programme sado-maso en 2001 et un Minuit rose décapant en 2010 qui est resté dans les mémoires festivalières, nous revoilà avec le corps en obscur objet du désir, la libido. Pour savoir vers quels terrains de jeux érotiques nous vous entraînons, il suffit de suivre la flèche… Celle de Cupidon bien sûr.
Si l’éloge de la caresse que nous vous proposons se veut jouissant, il se veut également réjouissant. Et, sans aucun doute, le film emblématique de ce panorama est Ela na sou po (J’ai quelque chose à te dire) de la cinéaste grecque Katerina Filiotou. À l’image de Sofia dans le film, pleine de spontanéité, d’allégresse et de bonheur exultant, nous avons désiré vous proposer des films où l’énergie vitale du désir soit accompagnée du rire ou, pour le moins, d’une émotion jubilatoire. Sofia, sa réalisatrice et le film avaient bougrement enthousiasmé en 2001 le public clermontois et le jury international qui, au passage, lui avait décerné son Grand prix. Assurément le cinéma érotique ne se résume pas à une vision unique porno-macho. Il ne faut donc pas voir le mâle partouze… et c’est tant mieux.
Sur les 24 films proposés, près de 40% sont des films d’animation (5 fictions et 4 documentaires). La sexualité qui, assez logiquement et littéralement, s’incarne à l’écran dans la chair de l’acteur, peut-elle, dans une représentation par le dessin ou le volume animé, nous satisfaire tout autant ? Sans conteste la réponse est oui. Nous n’oublions pas que l’histoire de l’art nous a offert tout un échantillon d’œuvres érotiques, des estampes japonaises (appelées aussi shunga, images de printemps ou images d’oreiller) qui apparaissent vers la fin du XVIIe siècle jusqu’aux sculptures sensuelles d’Aristide Maillol (1861-1944). Le cinéma d’animation, à sa manière, sait répondre à cette thématique. Pour preuve, un exemple, Girls’ Night Out (La Virée des filles) de la talentueuse cinéaste d’animation britannique Joanna Quinn, membre de notre jury 2022. Tout en nous faisant marrer, elle nous narre son héroïne, proche de la fameuse ménagère de 50 ans, qui, pour son anniversaire, va s’éclater avec ses copines à un spectacle de strip-tease masculin. Le dessin virtuose et virevoltant de Joanna Quinn n’a d’égal que la surexcitation de son personnage récupérant un cache-sexe d’un des danseurs. Le cinéma nous démontre à l’envi qu’il a plusieurs cordes à son arc… Celui de Cupidon bien sûr.
Si la thématique a à voir avec le plaisir sexuel, il y a un autre plaisir à chercher, trouver et programmer, dans ce style de panorama rétrospectif, des cinéastes qui, par le passé, émergeaient à peine dans la notoriété cinéphilique. C’est ainsi que nous retrouverons Michel Ocelot avec Les Quatre Vœux du Vilain et de sa femme (1986), François Ozon avec Une robe d’été (1996) et Blandine Lenoir avec Monsieur l’abbé (2010).
Michel Ocelot, auteur en 1998 de Kirikou et la sorcière avec ses 1 400 000 entrées à la fin de son exploitation, a une filmographie essentiellement dédiée au « jeune public ». Inspiré d’une fable médiévale, Les Quatre Vœux… est aux antipodes, une totale curiosité à découvrir absolument. Une surprise !
En 1996, François Ozon n’a pas encore réalisé de long métrage. Aujourd’hui, figure reconnue du cinéma français, il a plus d’une vingtaine de longs métrages à son actif. À Clermont, quatre de ses courts métrages sont présentés en compétition entre 1994 et 1999, et, cette année-là, le jury lui décerne une mention d’honneur pour l’ensemble de ses courts métrages. Une robe d’été, témoin d’une liberté sexuelle débridée, développe les motifs de la sexualité et de l’ambivalence qui font partie de ses thèmes privilégiés.
En vingt ans, Blandine Lenoir a réalisé dix courts métrages et trois longs (dont Annie colère sorti en 2022). Cinq de ses films ont été en compétition à Clermont entre 2000 et 2011. Elle en repart avec trois prix, deux en 2000 et un en 2006, le prix d’interprétation féminine dans son film Rosa, histoire de nous rappeler qu’elle est aussi comédienne. Elle a été membre de notre jury national en 2009. Sa filmographie questionne sans cesse la condition d’être femme et, notamment, sa sexualité, au XXe siècle et aujourd’hui. Son docu-fiction Monsieur l’abbé ne déroge pas. Une pléiade de comédiens et comédiennes (Anaïs Demoustier, Philippe Rebbot, Florence Loiret-Caille, Margot Abascal…) interprètent les questions sur la sexualité posées par des catholiques hommes et femmes, entre 1924 et 1943, à l’abbé Viollet (ça ne s’invente pas). Absolument éclairant sur l’obscurantisme et l’aliénation qu’une religion peut générer provoquant interdits, dérèglements et culpabilisations. La société d’aujourd’hui est le fruit de celle d’hier avec, néanmoins, les émancipations souvent acquises au prix de luttes longues et difficiles. Il faut donc absolument voir et mettre en résonance le court métrage Doux Jésus (2022) de la Canadienne Lori Malépart-Traversy. Ce documentaire animé, très court, remet aussi en question les interdits imposés par la morale religieuse sur le corps et les désirs féminins. Mais on saisit dans le témoignage de la jeune femme qu’elle arrive en fin de compte à transgresser cette morale répressive où Jésus devient, somme toute, un amant acceptable même si elle n’est jamais arrivée à imaginer son pénis.
Enfin sur un plaisir analogue, celui de trouver des curiosités à vous offrir, il y a l’expérience de l’Américain Clayton Cubitt (non ce n’est pas un pseudo). Douze femmes, pour la plupart artistes, écrivaines, ont accepté sa proposition d’être filmées lisant un extrait d’un ouvrage de leur choix tout en étant stimulées sexuellement jusqu’à l’orgasme. Lire, jouir, rire… Nous avons choisi Stoya, Teresa, Solé et Fette. Chacun de ces portraits ouvre un des quatre programmes de ce panorama.
Plein d’autres films ont leurs particularités mais ils ont tous en commun d’être « libidonnants ». Foin du sexe triste ! Vive le sexe qui donne la banane ! Alors ne traînez pas et accourez dard-dard car en chaque cinéphile que vous êtes sommeille un scopophile !
Antoine Lopez