Namaste India (Bonjour l’Inde)
Le cinéma indien est un voyage…
L’Inde, vaste pays-continent d’environ 1.210.000 habitants, aux 23 langues officielles, aux 3000 dialectes, transporte avec lui un lot de lieux communs aussi nombreux que le pays est vaste, tels que pauvreté, castes, rajah, Taj Mahal, tigre de Bengale, Gandhi, sâdhu, Bollywood, mousson, Salman Rushdie, sari, Vishnou, Krishna, couleurs, Goa, plus grande démocratie du monde, non-violence… La réalité se trouve à la croisée de toutes ces images, d’autant que ce pays bouscule nos repères.
Cette programmation consacrée à l’Inde en cette année 2013 tentera de briser les chaînes de ces imaginaires restrictifs en mettant en avant une jeune génération de réalisateurs indiens avec une quarantaine de films de ces dix dernières années.
Painted rainbow by Gitanjali Rao (India – 2006)
2013 n’est pas une date choisie au hasard. A partir de 1899, un cinéma indien se met lentement en place avec de courts films documentaires d’actualités ou traitant de fêtes traditionnelles et religieuses. En 1913, à Bombay, a lieu la première projection de Raja Harischandra, premier moyen métrage indien de fiction muet sous-titré en hindi et anglais (environ 40 minutes). Les rôles féminins étaient tenus par des hommes, le métier d’actrice étant assimilé à de la prostitution. Ce film tiré d’un récit du Mahâbhârata* a été réalisé par Dhundiraj Govind Phalke qui sera alors considéré comme le père du cinéma indien. Cette rétrospective nous permet de fêter le centenaire de cette cinématographie.
En Occident, si on parle de cinéma indien, deux noms viennent tout de suite à l’esprit : Bollywood et Satyajit Ray. Bollywood qualifie, depuis les années 70-80, une partie régionale (Bombay) du cinéma populaire indien en hindi, cinéma de divertissement mélangeant amour, humour, drame, action… se terminant généralement par un happy end. Des codes régissent la réalisation de ces longs métrages : les sources d’inspiration (interprétations ou adaptations de mythologies), l’intrigue, le spectaculaire, les chansons et les danses, une grammaire cinématographique, une bande-son amplifiée et des acteurs qui surjouent. Satyajit Ray symbolise le cinéma indien d’auteur prisé en Occident. Dès 1956, il obtient un prix au festival de Cannes pour son film Pather Pantchali (La complainte du sentier). Suivront une quarantaine de films, courts ou longs. Satyajit Ray, décèdé en 1992 à l’âge de 71 ans, fut l’homme d’un pays, d’une culture, le Bengale, et d’une ville, Calcutta.
Par ces deux exemples, on devine la complexité, la démesure créative et la diversité de ce cinéma. On le sent multiple, on ne parle plus de cinéma indien mais des cinémas de l’Inde, régionaux, tournés le plus souvent dans des langues locales. Il existe en effet au moins six grands centres de production en Inde.
Thread by Leonard Lilium (India – 2009)
La sélection clermontoise a tenu compte de toutes ces données historiques, culturelles et géographiques. En montrant des films réalisés dans les écoles (le National Film and Television Institute de Pune, le Satyajit Ray Film Institute de Calcutta, la L.V. Prasad Film Academy et le MGR Film Institute de Chennai…), mais aussi des productions indépendantes, on remarquera la diversité des thématiques : la ville, la campagne, les communautés autochtones et religieuses, la prostitution, le théâtre traditionnel, la tradition, la frontière, la pauvreté… Un monde en pleine mutation, en recherche de valeurs passées ou à venir. Cette sélection permettra de découvrir des réalisateurs qui font déjà le cinéma indien actuel comme par exemple Umesh Kulkarni**, peut-être le plus connu, mais aussi comme Geetu Mohan Das, Shilpa Munikempanna, Samimitra Das, Torsha Banerjee…
Ces courts métrages vous emmèneront quelquefois dans des imaginaires complexes, très mal connus de ce côté-ci de la planète. Vos références seront peut-être bousculées. Alors laissez au vestiaire vos schémas de compréhension, lâchez prise, laissez-vous embarquer dans ce voyage tout au long de ces courts… Le résultat ne sera pas peut-être instantané, mais tant d’émotions et d’univers vous laisseront, nous l’espérons, des traces subtiles et pérennes quant à la compréhension du monde et de l’autre. Subh yātrā (Bon voyage en hindi).
* Le Mahābhārata est une épopée sanskrite de la mythologie hindoue.
** Membre du jury international Clermont-Ferrand 2013. Un hommage lui sera rendu avec un programme de ses courts métrages. Son 3e long métrage Deool vient de remporter les prix du meilleur long métrage de fiction, du meilleur acteur et des meilleurs dialogues lors du 59e National Film Awards.