Auteurs en résidence : Foued Mansour
Le Label création de Sauve qui peut le court métrage – ShortCuts – vous propose de rencontrer les lauréats des résidences d’écriture 2022 de Moulins et Clermont-Ferrand à travers 4 interviews. Rencontre avec Foued Mansour autour de son projet de long métrage Sans verser mes larmes.
Vous êtes lauréat de la résidence 2022, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Foued Mansour, je suis réalisateur, j’ai cinq courts métrages à mon actif, et je travaille actuellement à l’écriture de mon premier long métrage.
Pouvez-vous nous présenter l’idée de votre projet, la naissance de l’envie de travailler sur une telle thématique ?
Il s’agit pour moi de déployer une histoire que je porte depuis maintenant plusieurs années.
Elle est inspirée d’un personnage réel, une jeune femme issue d’un quartier populaire qui a tout entrepris pour empêcher l’expulsion de son amour d’adolescence, devenu père de son bébé. Elle m’a frappé par sa sincérité, le sentiment d’injustice qui l’a amené à repousser les limites, et la manière dont la cause qu’elle défendait est devenue plus grande qu’elle. C’est une grande histoire d’amour en plus d’un témoignage sur les aberrations et la perte de sens des pouvoirs publics face à une situation qui les a complètement dépassés. Si les faits se sont déroulés il y a 20 ans, ils résonnent étrangement avec la situation actuelle. Mais c’était une période où ces questions mobilisaient et indignaient bien davantage qu’aujourd’hui.
Comment ce projet s’inscrit dans votre travail de cinéaste ?
Dans la suite logique, je crois. Je n’ai eu de cesse à travers mes films de parler de gens à la marge, de poser sur eux un regard bienveillant ou acerbe, mais toujours empreint de complexité. L’histoire que je porte aujourd’hui s’inscrit probablement dans une démarche plus radicale. Je l’envisage comme un hurlement face à une forme de renoncement. Un cri qui serait porté par une jeune femme au caractère impétueux, une adolescente qui ne respecte ni les règles, ni les conventions.
Pourquoi avez-vous candidaté à la résidence d’écriture ?
J’avais besoin d’insuffler un nouveau souffle au projet, de le confronter à des regards extérieurs. L’écriture est un marathon, avec des phases d’inspiration et des moments de doutes, de blocages. Il me fallait remettre en question le travail déjà entamé. Je pressentais que cette résidence à la maison d’architecture arrivait au bon moment. Elle allait me permettre de relancer la machine, de préciser la direction du récit. D’autant que dans un environnement aussi éloigné du mien, il y a la force vive qui naît d’un contexte propice à la concentration et à l’inspiration, mais aussi au bonheur de la discussion. Parler pour construire. La densité du récit que je souhaite raconter et les multiples directions qu’il peut emprunter me contraignent à devoir faire des choix, à recentrer la narration vers l’essentiel.
Est-ce la première fois que vous travaillez en résidence ? Comment aborder vous ce mode de travail particulier ?
J’ai déjà participé à un workshop de deux fois une semaine, mais nous n’écrivions pas, ou peu. On discutait beaucoup, nous donnions nos avis sur les projets des uns et des autres, certains changeaient même d’histoire en cours de route. Ici la résidence est davantage axée sur l’écriture, la documentation. Tout devient plus concret. C’est une bulle salvatrice, qui permet de se recentrer sur son travail, l’énergie est différente. Tu respires, bois, mange cinéma. Tout ton quotidien tourne autour de la création.
En arrivant en début de résidence, à quelle étape de construction du récit étiez-vous ? Une idée, un synopsis… ?
J’avais déjà travaillé sur plusieurs versions de synopsis et de traitements. Je suis arrivé avec une première version de séquencier, que j’affine ou bouscule au fur à mesure des échanges avec les consultantes ou au gré de mes rencontres avec certains professionnels.
Vous êtes-vous fixé un/des objectif/s d’écriture pour les semaines de résidences ?
Aboutir à un séquencier solide, qui puisse me permettre de me lancer dans une continuité dialoguée.
La résidence a débuté il y a quelques semaines, comment avance votre projet ? Sur quels points avez-vous pu avancer ?
Ça avance bien. Le travail avec les deux consultantes m’a permis d’explorer de nouvelles pistes de travail, de densifier le récit et de donner corps aux personnages. Faire en sorte que l’histoire jaillisse.
A l’inverse avez-vous au fil des jours de nouveaux besoins prégnants en termes de ressources (documentation, rencontre, repérages,…) pour déclencher des choses en matière de création ?
Le temps est toujours trop court quand on est lancé dans ce type d’aventure. Je souhaiterais rencontrer d’autres experts dans chaque domaine, profiter pleinement du lieu pour écrire encore plus. J’aimerais aussi prendre le temps de consulter les archives de l’INA au centre de documentation de la Jetée afin de m’imprégner de l’atmosphère de l’époque où mon récit se situe, notamment au travers d’affaires du même type qui ont marqué notre société ces vingt dernières années.
Comment êtes-vous accompagnés par les professionnels dans l’écriture de votre projet pendant la résidence ?
On a des échanges réguliers, avec des textes à rendre soit à l’une soit à l’autre. C’est vivifiant. Les deux se complètent parfaitement.
Quelles rencontres avez-vous pu faire pendant cette résidence pour nourrir votre projet ?
J’ai pu me rendre à plusieurs réunions de RESF qui vient en aide aux migrants, et observer comment se déroule leur travail au quotidien. La manière de parler aux personnes reçues, d’occuper les locaux. Ce sont parfois des détails, mais ils sont essentiels à la véracité de ce que vous racontez. J’ai aussi pu discuter avec une juge du tribunal administratif pour mieux comprendre le volet judiciaire de ce type d’affaires.