Breakfast avec Battalion to my Beat (Bataillon à mon rythme)
Entretien avec Eimi Imanishi, réalisatrice de Battalion to my Beat (Bataillon à mon rythme)
Est-ce que le personnage de Mariam est inspiré d’une personne réelle ?
Oui, Mariam est une combinaison de deux femmes Sahraouies que j’ai rencontrées et dont je suis fan. L’une d’elles s’appelle Mariam (homonyme du personnage), ma belle-sœur, qui vit dans les territoires occupés du Sahara Occidental, et l’autre est Murjer, une femme que j’ai rencontrée dans les camps de réfugiés. Elles sont toutes deux stoïques et fièrement indépendantes et ont fait le vœu de ne jamais se marier afin d’être en mesure de poursuivre leur travail et de vivre leurs vies sans avoir à servir un mari. Murjer était aussi un garçon manqué et m’a parlé de combien elle avait adoré jouer au football étant enfant jusqu’au jour où elle était devenue adolescente et que cela lui a été interdit. Ces femmes m’ont toute deux beaucoup influencée dans ma vie personnelle aussi bien que dans la création du personnage pour le film.
La situation au Sahara Occidental n’est pas très bien connue en France et rarement montrée dans les médias. Qu’est-ce qui vous a inspirée pour raconter cette histoire ? Était-ce un sujet polémique à traiter ?
J’ai été inspirée précisément à cause de la pauvreté du traitement médiatique qui est accordé à ce sujet dans les médias dominants. Mon mari vient des territoires occupés du Sahara Occidental et, avant que je ne le rencontre en Espagne, je ne savais rien moi-même de leur dilemme politique avec le Maroc. Grâce à lui et aux nombreux Sahraouis que j’ai rencontrés lors de mes visites dans ces territoires et dans les camps de réfugiés, je me suis sentie le devoir de partager ce sujet. La question politique et le calvaire des Sahraouis dans leur combat pour leur liberté est ce qui m’a poussé à tourner avant tout. C’est clairement polémique, malheureusement. La famille de mon mari a été victime d’un chantage par la police secrète marocaine durant l’une de mes visites à cause de certains échanges d’emails que j’avais eus avec des activistes locaux. Cela a été un énorme apprentissage pour moi que de me confronter à un système tellement plus grand que ma personne. Ce film est fait du désir de surmonter la peur et la frustration dans lesquelles je me suis retrouvée (et dans lesquelles vivent tant de Sahraouis au quotidien) pour m’être opposée à un adversaire de cette puissance.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les lieux de tournage et les choix de casting ?
C’était TENDU. Un vrai cauchemar logistique pour arriver sur place avec l’équipe et le matériel. Mais une fois dans les camps de réfugiés, tout le monde voulait nous aider à faire le film. C’était incroyable, le temps et les moyens que les gens nous ont donnés ! On a tout de suite trouvé Mariam durant notre premier entretien avec le producteur sahraoui Ghalia Omar Ahmed – littéralement après seulement 2 jours sur place. On prenait le thé et parlions de nos projets quand Mariam, qui était assise dans un coin de l’établissement, a laissé voir sa lassitude et son ennui de devoir nettoyer des tasses pour nous. Elle était exactement ce que j’avais imaginé pour le rôle – même l’âge (13 ans) ! Alors, je lui ai demandé si le rôle l’intéresserait et de cette manière adolescente totalement nonchalante, elle a répondu d’accord. Elle était fabuleuse et difficile aussi, juste comme je l’aurais été à 13 ans. C’était si amusant de faire sa connaissance et d’admirer sa compréhension innée de l’interprétation devant la caméra.
Comment avez-vous eu l’idée de devenir réalisatrice ?
J’ai étudié l’art et j’ai obtenu un diplôme de BFA à Londres en 2010 quand une grande manifestation a éclaté à Laayoune, la capitale du Sahara Occidental sous occupation. Il n’y avait aucune information dans les grands médias alors que la manifestation impliquait des milliers de personnes sahraouies, hommes, femmes et enfants, qui ont construit un gigantesque camp de fortune devant la ville pour maintenir leur effort de mobilisation massif contre la marginalisation perpétuelle qu’ils ont vécue sous l’occupation marocaine, laquelle a duré des décennies, et pour alerter la communauté internationale, restée indifférente à leur souffrance. J’ai passé beaucoup de temps à Laayoune au fil du temps, avec mon mari et sa famille, et j’ai commencé à vouloir m’investir. Mes méthodes de communication étaient l’art et l’image, alors j’ai décidé de faire un film avec l’espoir de toucher une audience assez large. Je n’avais jamais fait de film auparavant mais je n’étais pas du tout intimidée, peut-être parce que j’avais été le témoin de cette opposition réelle et de la persécution dans lesquelles vivent les Sahraouis.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Hmmm. J’ai adoré le monde étrange de L’étreinte du serpent de Ciro Guerra, et la narration merveilleusement humaniste de Fuocoammare, par-delà Lampedusa (Fire At Sea) par GianFranco Rosi.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
On m’a dit que je devais absolument me rendre au festival en tant que réalisatrice car c’est un endroit réservé aux courts métrages et que ce serait formidable de rencontrer d’autres réalisateurs. J’espère trouver une société pour distribuer le film aussi, et j’espère qu’un maximum de personnes vont voir le film et en apprendre un peu plus sur le Sahara Occidental.
Battalion to my Beat faisait partie du programme de la Compétition Internationale I3.