Dîner avec E.T.E.R.N.I.T
Entretien avec Giovanni Aloi, réalisateur de E.T.E.R.N.I.T.
Dans E.T.E.R.N.I.T. vous abordez la question du passage à une nouvelle vie qu’offre à votre personnage principal le Regroupement Familial, après plusieurs années de séparation. Vous êtes-vous renseigné sur la réalité des durées à attendre pour pouvoir accueillir sa famille dans son nouveau pays ?
Pendant la phase de recherche, j’ai fait plusieurs entretiens avec des ouvriers de l’usine de désamiantage. En fait, l’histoire du film s’inspire de la vie de l’acteur principal, Ali Sahli. Dans nos différents échanges, il s’est confié à moi, en me racontant, avec les yeux pleins de larmes, l’interminable attente pour obtenir le Visa de sa femme et de son enfant.
Dans E.T.E.R.N.I.T., vous questionnez les rapports humains. Pourquoi étiez-vous intéressé de donner à voir un dilemme tel que celui décrit dans le film ?
La séparation, est à mon sens, une épreuve que tous les êtres humains ont vécu au moins une fois dans leur vie. Pendant l’écriture du scénario, j’étais moi même en pleine rupture. Le film ne traite pas seulement de la vie d’un immigrant tunisien ayant une relation avec cette dame italienne de soixante ans, E.T.E.R.N.I.T. met aussi en lumière tout le processus de libération.
Êtes-vous intéressé par les mouvements d’immigration autour du bassin méditerranéen ?
Bien sûr, c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier, ça fait partie de notre quotidien à l’échelle internationale. E.T.E.R.N.I.T. raconte la vie des immigrés qui vivent en Italie depuis longtemps, après dix ans de lutte, ils ont réussi à s’intégrer et à trouver leur place dans la société. Mais si on regarde de plus près, on se rend compte qu’ils n’ont pas leur espace de prière, qu’ils doivent se rassembler chaque vendredi dans un parking, cet espace qui a été confectionné pour les voitures devient leur mosquée et ça pendant une heure et demie.
Et êtes-vous intéressé de manière générale par les thématiques du travail ou du manque de travail ? Pourquoi avez-vous choisi le cadre du désamiantage ?
Le travail détermine la vie et les relations sociales de chacun. Mais travailler permet aussi de coordonner le temps, de délimiter un espace. Le travail en dit beaucoup sur notre existence. Choisir pour cadre une usine de désamiantage était une évidence pour moi, ça met en image de manière métaphorique les derniers jours d’une relation sentimentale.
Votre personnage principal est très capable, pourtant il crée de la déception. Pourquoi ne vouliez-vous pas donner à voir les différentes bascules qui l’amènent à prendre la mauvaise route ?
Le protagoniste du film n’a pas pris une mauvaise route : il a seulement accompli ses propres choix.
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Qu’est-ce que cela aurait changé de placer votre personnage dans un cadre plutôt rural que dans une grande ville ?
C’est un choix qui représente la réalité. J’ai choisi de tourner le film dans les endroits où mon personnage vit et travaille dans la vie de tous les jours. J’ai tourné avec les vrais ouvriers de l’usine de désamiantage et j’ai utilisé les vrais outils du chantier pour tourner les plans dans l’usine.
Comment avez-vous pensé les rapports de hauteurs et les contrastes de tailles présents dans E.T.E.R.N.I.T., dont le beau plan en hélicoptère entre autres ?
Je me suis interrogé sur le rapport entre l’homme et Dieu et sur le regard que Dieu pourrait avoir sur ces petites créatures. C’est un rapport de distances, mais aussi de rapprochement.
Dans E.T.E.R.N.I.T., vous questionnez aussi le principe des attaches, puisque votre personnage ne semble avoir qu’une seule relation approfondie et rester beaucoup dans des rapports superficiels avec les autres. Par ailleurs, il affiche très peu d’émotions. Pourquoi avoir créé cet effet de détachement ?
En fait, il y a des hommes qui même à travers leur regard ne montrent aucune de leurs émotions mais pourtant ils ont une vie intérieure très intense. C’est exactement cette dimension que je voulais donner à mon personnage principal.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule familiale et la « méga » cellule sociétale ?
Le court métrage est un format qui permet aux auteurs une extrême liberté au niveau des recherches sur le langage cinématographique, je crois que c’est un excellent procédé pour s’interroger sur de nombreuses thématiques.
E.T.E.R.N.I.T. a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
Le film a été produit par Bien ou Bien Productions, une entreprise française située à Cenon près de Bordeaux. E.T.E.R.N.I.T. a été soutenu par la région Aquitaine et la Cineteca di Bologna, avec de nombreux partenaires privés tels que The Sponk Studios, 37th Degree ou encore Beca Coperture.
Concernant mes références cinématographiques elles sont plutôt allemandes, E.T.E.R.N.I.T. est un hommage à Angs essen Steele auf (Tous les autres s’appellent Ali) de Rainer Werner Fassbinder.
Pour voir E.T.E.R.N.I.T., rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.