Breakfast avec Angh (Chef)
Entretien avec Theja Rio, réalisateur de Angh (Chef)
Comment décririez-vous votre film à une personne qui ne l’a pas vu ?
Angh se passe en 1963 dans des régions reculées du Nord-Est de l’Inde. C’est l’histoire d’un homme et de son fils qui sont les dernières personnes à ne pas avoir été converties à la nouvelle religion, le « christianisme ». Un récit crument réaliste autour de deux personnages qui se raccrochent à une culture et une identité en train de disparaître, sous la pression d’un nouveau monde qui leur tombe dessus.
Votre film parle d’identité et de la disparition d’un monde. Qu’est-ce qui vous attire dans ces sujets ?
J’ai été saisi par l’idée qu’une culture aussi primitive et aussi unique existait encore il y a seulement quelques décennies. Pour les besoins d’un autre projet, je me suis rendu à la frontière entre l’Inde et la Birmanie. Dès que j’ai atterri là-bas, j’ai eu l’impression d’avoir été transporté dans un endroit où passé et présent coexistaient. D’un côté, il me semblait tragique de voir les plus âgés l’air perdu avec leurs tatouages sur le visage, engoncés dans des vêtements occidentaux. Mais en leur parlant, j’ai constaté qu’ils acceptaient le présent. Ce qui m’a attiré dans ce sujet, c’est l’idée qu’une culture tout entière, comme leur identité, soit remplacée par quelque chose qui leur était totalement étranger.
Angh a été tourné en 16 mm, je crois. Pouvez-vous expliquer ce choix ?
La décision de tourner en 16 mm s’est imposée dès le premier échange avec mon chef opérateur. Nous pensions tous deux que le rendu cru et réaliste de la pellicule 16 mm conviendrait à l’histoire et permettrait de la raconter le plus fidèlement possible. De plus, étant donné la chronologie de l’histoire, il fallait donner visuellement une sensation de nostalgie. Le 16 mm était donc le support idéal pour cette histoire.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous dans la réalisation de Angh ? Pourquoi ?
Les obstacles n’ont pas manqué tout au long de la réalisation. Les caprices de la météo, le travail avec des acteurs non-professionnels, un incendie de forêt, etc. Mais le plus difficile a été de travailler avec une équipe très hétéroclite et d’arriver à faire en sorte que tout le monde converge vers « le même film ». Beaucoup de membres de l’équipe ne comprenaient pas l’histoire que nous voulions raconter. Elle leur était totalement étrangère. Ainsi, mettre tout le monde sur la même longueur d’onde et leur faire comprendre pourquoi on faisait ce film, voilà ce qui a été le plus dur.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Le court métrage est devenu une vitrine qui permet de découvrir de nouveaux réalisateurs. Grâce à cette grande variété de festivals dans le monde, et grâce aux plateformes numériques, les spectateurs ont appris à regarder et à apprécier les courts métrages. Pour les cinéastes, c’est un moyen fabuleux de tester et de parfaire leurs compétences. Avec un public grandissant et la circulation de courts métrages uniques et de grande qualité dans le monde entier, je pense que les choses ne peuvent qu’aller de mieux en mieux.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Pendant le confinement, j’ai pris plaisir à faire le plein de films étrangers. C’est toujours un peu un défi de regarder des films étrangers. Mais c’est incroyable tout ce qu’on apprend sur la culture, la langue et l’histoire juste en regardant des films étrangers. Je suis à présent convaincu qu’il faut donner sa chance aux films venus d’ailleurs, pas seulement parce qu’ils sont bien et divertissants, mais parce qu’ils représentent une ouverture sur le monde entier.
Pour voir Angh (Chef), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I3.