Goûter avec Happy Ending
Entretien avec Mei Liu, réalisatrice de Happy Ending
Comment vous est venue l’idée de Happy Ending ?
Dans la vie, il y a des moments qui viennent perturber vos interactions quotidiennes avec les autres. Ils vous font comprendre que les mots tout faits que vous utilisez habituellement ne conviennent plus et que la version de vous que vous montrez manque de sincérité. Ces moments-là sont des tunnels qui nous permettent d’apercevoir la vérité chez chaque personne que l’on rencontre, surtout dans un cadre urbain comme New York. Avec Happy Ending, j’ai essayé de capturer un moment d’empathie qui transcende la langue, l’ethnie et la culture dans un monde toujours plus polarisé avec des frontières nationales et idéologiques apparemment impénétrables.
Quel a été le plus gros défi à relever pour Happy Ending ?
En tant que réalisatrice, j’ai eu du mal (et j’ai toujours du mal) à créer l’environnement le plus créatif et le plus libre possible pour mes acteurs et le reste de mon équipe. Je me suis efforcée de créer un cadre dans lequel chacun pouvait se concentrer et découvrir quelque chose de concret, quelque chose qui faisait sens, sans être dérangé par la logistique chaotique d’un plateau. Comme le disait Mike Leigh, sur un plateau chacun doit être à la recherche d’une expérience personnelle unique.
Comment se sont passés le casting et la direction des acteurs ? Avez-vous pensé à Au Hogan dès le début pour jouer le rôle du personnage principal ?
Avec Ryan Harrison, mon directeur de casting, nous avions envie d’ouvrir notre casting à des acteurs professionnels et non professionnels (des « vraies gens »). Nous avons rencontré Au Hogan lorsque nous recherchions l’acteur pour incarner O (le conducteur de la surfaceuse). Au est l’une des meilleures personnes que j’ai pu rencontrer : il travaille dans le domaine de la prévention de la violence avec des adolescents et fait preuve de beaucoup d’empathie. Il avait déjà fait un peu de théâtre et il a écrit plusieurs pièces. Pour préparer le rôle, nous avons parlé du personnage de O, de son histoire et de son regard sur la vie. Pour la force physique de O, il s’est inspiré avec brio d’une de ses connaissances. Pour caster Yalin (la masseuse), Ryan et moi nous sommes rendus dans tous les salons de massage de New York avec nos flyers et avons parlé avec les Chinoises qui y travaillaient. Nous espérions qu’une des salariées pourrait incarner Yalin, mais en raison de leur planning cela était rarement possible. Beaucoup hésitaient aussi et ne voulaient pas être filmées. Pendant un moment, Ryan et moi avons distribué tous les jours des flyers dans les trois quartiers chinois de Manhattan, Brooklyn et du Queens. Nous avons eu la chance de trouver Karen Chang, qui nous a contactés après qu’une amie lui ait envoyé une photo d’un de nos flyers. Elle n’avait pas d’expérience en tant qu’actrice mais elle a su interpréter Yalin avec une certaine fraîcheur grâce à son expérience personnelle : même si elle n’a jamais été masseuse, elle a occupé plusieurs emplois de service et a le contact facile. Elle a aussi un fils qu’elle aime énormément.
Quelle réaction attendez-vous de la part du public ?
Pour être honnête, je suis une toute jeune réalisatrice et il me reste énormément de choses à apprendre. Ce film n’est pas parfait, mais j’espère que les spectateurs trouveront dans ce film quelque chose qui les fera se sentir moins seuls.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense que l’industrie du court métrage servira de terrain de jeu pour les réalisateurs, qu’ils soient expérimentés ou non, pour essayer de nouvelles formes de narration et pour tenter de nouvelles choses et travailler avec des matériaux différents.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Les films de Mohsen Makhmalbaf.
Pour voir Happy ending, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I4.