Lunch avec Famille
Entretien avec Catherine Cosme, réalisatrice de Famille
Famille traite avec délicatesse les idées d’ouverture, de générosité, mais aussi de peurs irrationnelles devant l’inconnu et de sacrifice. Comment est née l’idée du film ?
Le film est né suite à l’accueil de familles chez nous. C’était durant l’hiver en 2015, il n’y avait que la Croix rouge à l’époque qui gérait ça. Avec l’arrivée en masse de réfugiés au sein de Bruxelles, un soir je suis partie à la Croix rouge et j’ai découvert toutes ces familles. Je ne supportais pas d’être chez moi au chaud avec mon mari et ma fille. Sur un coup de tête, je suis partie là-bas. Notre entourage proche (amis et famille) était à la fois admiratif de notre geste et en même temps réticent de le faire, nous posant des questions parfois dérangeantes même si c’était bienveillant de leur part. J’ai aussi vu la vidéo de cette femme dans un camp à Idomeni, qui propose au journaliste qui l’interviewe de prendre son enfant avant qu’elle ne reparte en Syrie. Ce sacrifice en direct m’avait profondément marquée. Et puis j’ai perdu ma mère cette année-là, le sentiment d’abandon m’a beaucoup accompagnée durant la fin de l’écriture, jusqu’au tournage.
Entre ces deux familles qui ne parlent pas la même langue, la communication est quasi-inexistante. Cependant, le spectateur a l’impression que les deux mères se comprennent sans se parler. Est-ce que c’est bien ce que suggère la mise en scène ?
À vrai dire, ce n’était pas dans l’intention directe. Je ne les ai pas dirigées dans ce sens-là, mais dans l’idée que Lisa écoute une famille qui parle devant elle, sans comprendre le sens de tout ce qui se raconte. Par contre dans la scène du bain, quelque chose se passe de cet ordre-là, dans ce cadre très intime. Pour l’avoir vécu, deux mères se comprennent au-delà des mots, et je suis contente que dans le film des spectateurs le ressentent.
Votre travail comme scénographe au théâtre influence-t-il la construction de vos plans, notamment les plans fixes et frontaux, qui rappellent l’expérience de la scène ?
Oui, il y avait ça aussi dans Les Amoureuses(son précédent court métrage, NDLR) j’aime ce regard, ce temps posé pour que les spectateurs prennent le temps de vivre ce qui se passe, d’avoir un temps de recul.
Votre précédent court métrage Les Amoureuses a connu un beau succès. En tant que française vivant en Belgique, quel regard portez-vous sur la visibilité du court métrage, en Belgique et en France ?
Et bien je vais le découvrir en France ! Car Les Amoureuses a fait peu de Festivals en France à part Brest ! Donc je souhaite que Famille profite d’un beau parcours en Festival ici dans mon pays d’origine et ailleurs pourquoi pas en Afrique ! Beaucoup de belles choses se passent là-bas aussi. J’ai été jurée au festival de Brest cette année, c’était génial de voir tous ces films, c’est riche, c’est fort, il faut que ça continue ! Pour tous spectateurs et réalisateurs.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apporté en particulier ?
L’esprit d’équipe ! Ce sont mes meilleurs moments, car les tech sont là parce qu’ils aiment le projet et ce sont des moments forts. On n’est pas dans l’argent, la rentabilité, on est là pour créer une histoire ensemble. Dans le court on choisit les gens qu’on aime avec qui on veut partager son écriture.
Pour voir Famille, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.