Hugo Chesnard Prix du Public
La France qui se lève tôt, film réalisé par Hugo Chesnard et produit par Pauline Seigland (Butterfly Productions) a été plébiscité par le public lors du 34ème Festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Le tournage s’était déroulé il y a un an, à Aulnat et Gannat, avec le soutien de la Commission du Film et de la Région Auvergne.
Hugo Chesnard s’est confié sur son univers, la genèse du projet et sa relation au réel. C’est en tombant sur une brève dans un journal que l’idée du scénario de La France qui se lève tôt a germé. « Eté 2006, Souleymane, salarié, contribuable sans papier, est arrêté sur son lieu de travail, puis expulsé vers le Mali. Peu avant, il avait assigné aux prud’hommes son employeur pour faire respecter ses droits. Le premier avion censé le transporter n’a pas décollé car les passagers se sont soulevés, mais le second est bien parti. Cet homme avait un emploi, une femme et un enfant et vivait en France depuis plusieurs années.
Avec ce film, j’ai souhaité raconter le parcours d’un futur expulsé, la logistique mise en place, le simulacre de justice et de droit qui lui est accordé. Je me suis énormément documenté et j’ai écrit une première version de cette histoire, très réaliste. Le scénario a été retenu pour les Ateliers d’écriture de Gindou. Là, j’ai rapidement été confronté à un problème de nuances, rencontrant une véritable difficulté pour me dégager des caricatures et du pathos. Il fallait trouver une autre voie et l’idée d’un film en chansons a jailli, une sorte de tragédie fantaisiste : une opérette ! Faire un pas en avant vers le pathos pour en sortir.
Traiter l’expulsion d’un sans-papiers de cette façon a permis de se libérer des contraintes sociologiques, tout en restant fidèle à la réalité du mécanisme. Beaucoup de latitudes ont été prises par rapport à ce qu’a vécu Souleymane. Régularisé et revenu en France après deux ans de lutte, il a vu le film et s’est retrouvé dans le processus, sans reconnaître totalement son parcours. Dans ma première version, il y avait ces cris, ces pleurs, cette douleur, cette famille impuissante, ces passages à tabac, cette expulsion musclée… C’était tellement dur à chaque seconde que ça ne tenait pas d’un point de vue cinématographique. L’art a besoin de nuances, mais le processus d’expulsion n’en fait pas. Le choix de la comédie musicale m’a permis de sortir d’une certaine forme de réalisme, pour mieux le retrouver plus tard, grâce à l’intensité de la musique et des textes composés par Antoine Larcher, Serge Balu et Damien Tronchot. Notamment le chœur de fin : Ils arriveront quand même, malgré les murs, malgré les mers, malgré les murmures amers, ou les déclarations guerrières… »