Dernier verre avec Kaputt (Brisées)
Entretien avec Volker Schlecht, co-réalisateur et animateur de Kaputt (Brisées)
Comment avez-vous eu connaissance de Hoheneck ?
C’est une question pour Max Mönch and Alexander Lahl, les scénaristes – j’en ai entendu parler quand ils m’ont donné à m’investir dans le projet.
Les voix qu’on entend sont-elles issues de témoignages ou des voix d’acteurs ? Comment avez-vous choisi les témoignages parmi l’ensemble des données collectées ?
Les voix sont issues des entretiens originaux, donc de nos témoins, Gabriele Stoetzer et Birgit Willschuetz.
Comment avez-vous créé l’animation ?
Pour l’animation, j’ai essayé de dessiner directement, d’un trait, à la façon de William Kentridge. Je suis un grand admirateur de son travail depuis des années, mais ce film a été ma première expérience d’animation complètement dans ce style. Il s’agit de dessins au crayon sur papier, et au lieu d’utiliser une feuille de papier à chaque image dessinée, j’ai continué sur la même feuille pour une séquence complète, en changeant seulement quelques parties du dessin étape par étape. C’est pour cela que vous pouvez voir les traces des mouvements dans les scènes.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le côté sombre des témoignages ?
De mon point de vue, un seul aspect : Après avoir fait une des interviews et après avoir visité ce qui reste de la prison, les cellules, les sanitaires et tout, on s’est sentis perdus et désemparés. En particulier, c’était difficile d’imaginer pour moi comment traiter du sujet sans tomber dans le risque de minimiser ces expériences vécues par des milliers d’anciennes prisonnières. Sombre, grise, sinistre est l’ambiance de ces histoires dans des pièces qui sont grises, comme les murs, mais aussi les esprits, lessivés par une routine stupide et le travail sous pression constante.
Kaputt traite du travail forcé en prison, ce qui soulève la question de la traçabilité des produits commerciaux, que pensez-vous des supporters de l’apposition d’un label “fait en prison“ ?
Si j’ai bien compris, “fait en prison“ est plutôt un étiquetage fait pour soutenir la production, en prison, afin d’aider les prisonniers à réintégrer la société et à faire un travail sérieux pendant le temps de leur détention, n’est-ce pas ? Dans ce cas, c’est plus ou moins l’opposé de la situation vécue dans le film, comme vous le savez sans doute. Personnellement, je pense, que le travail volontaire des prisonniers est une bonne chose, si vous pouvez être vraiment sûr, qu’il n’y a pas d’exploitation des prisonniers. Et avec ce genre d’étiquette, vous êtes aussi informé de ce que vous achetez en tant que consommateur – une autre grosse différence avec l’histoire racontée dans le film. Je comprends votre question et d’où elle vient, mais il faut être clair, qu’il y a très peu – presque pas du tout – de choses en commun entre le travail forcé dans les prisons en tant que participant à une « économie planifiée » dans un système d’oppression politique d’un côté et une production volontairement organisée par les prisonniers de manière « démocratique » dans un État de droit de l’autre. Peut-être que mon point de vue est naïf aussi et peut, bien sûr, varier en fonction de la situation mais dans l’ensemble, je suis convaincu que nous parlons de choses complètement différentes ici.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Bien sûr il y en a trop, c’est toujours difficile. Juste quelques exemples – dans les courts métrages : Hopptornet (Le grand plongeoir) d’Axel Danielson & Maximilien Van Aertryck. El Buzo d’Esteban Arrangoiz. The Empty (La chamber vide) de Dahee Jeong. An Ordinary Blue Monday de Naomi van Niekerk. Dans les longs : Toni Erdmann de Maren Ade. Nocturnal Animals par Tom Ford.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Malheureusement je ne suis jamais venu, mais j’espère que Max et Alexander vont pouvoir venir cette année !
D’autres projections du film sont-ellesprévues ?
Après Clermont-Ferrand, Kaputt sera projeté par exemple au 10e Forum International du Film d’Animation du Caire, à la 10e Quinzaine du Documentaire du MoMA New York, au 36e Festival du Film d’Animation Anima de Bruxelles et dans d’autres festivals.
Pour voir Kaputt, rendez-vous aux séances de la Compétition Labo L2.