Dîner avec Kötü Kiz [Vilaine fille]
Entretien avec Ayce Kartal, réalisateur de Kötü Kiz (Vilaine fille)
Qu’est-ce qui vous poussé à réaliser Kötü Kiz ?
Comme vous le savez, les violences sexuelles envers les enfants sont, hélas, monnaie courante dans le monde entier. Mais ces dernières années, en Turquie, le phénomène s’est amplifié. Après avoir lu un article de journal relatant le viol collectif d’une petite fille de huit ans, j’ai décidé de faire ce film. Car deux jours après avoir lu cette terrible information, je me suis rendu compte que je n’y pensais déjà plus et que mon cerveau commençait à trouver cela normal. J’ai fait ce film, entre autres, pour « ne pas oublier ».
Pourquoi souhaitiez-vous parler de la violence faite aux enfants ?
Pour plusieurs raisons, la principale étant que les enfants victimes de violences sexuelles n’ont aucun moyen d’exprimer ce qui leur arrive. La plupart sont incapables de l’expliquer, ni mentalement, ni verbalement, et ils n’en parlent à personne, même pas aux membres de leur famille. Les enfants sont très vulnérables, ils sont plus fragiles que les adultes. Ces violences représentent les drames psychologiques les plus silencieux à travers le monde et je voulais briser ce silence. Une fois ma décision prise, j’ai entamé mes recherches : lecture d’articles, visites dans les services de psychologie enfantine des hôpitaux, entretiens avec des médecins et rencontres avec de jeunes victimes.
Comment avez-vous travaillé les différents styles graphiques et les dessins ?
Mes recherches m’ont appris que beaucoup de victimes tombaient dans la schizophrénie après avoir été violées. Et la schizophrénie se manifeste principalement par des « sautes d’humeur brutales ». Je voulais illustrer ces fluctuations mentales avec mon crayon. C’est pour cela qu’il y a de brusques changements d’ambiance dans le film. Changer de style graphique selon l’humeur du personnage était une façon d’exprimer ces changements psychologiques chez le personnage.
Comment s’est passé l’enregistrement de la voix off ?
Ce fut un véritable défi. Il y a très peu d’enfants qui font du doublage en Turquie. Et leurs familles s’opposaient à leur participation au film (de crainte de les traumatiser). Seule une famille a accepté de laisser leur fille travailler sur le projet. Je n’ai donc pas eu le choix de la personne. Malgré cela, bien que ce soit sa première fois, elle s’en est très, très bien tirée ! Elle a été formidable, j’ai eu de la chance.
Qu’est-ce qui vous attire dans la relation entre les enfants et les animaux ?
L’histoire se déroule dans un village et les enfants de la campagne sont bien plus proches des animaux que les enfants des villes. Pour eux, les animaux sont de vrais amis.
Pourquoi avoir choisi de raconter les différentes étapes du récit de la petite fille à travers les souvenirs ?
Physiologiquement, la schizophrénie atteint les souvenirs du patient. Lorsque la victime est de bonne humeur, elle se souvient des bonnes choses, mais en un clin d’œil, elle peut sombrer dans un état dramatique, fantastique ou irréel et tout se transforme dans son esprit. L’aspect décousu du film est un choix artistique visant à exprimer ces sautes d’humeur.
Quelles sont les libertés que permet le format court, à votre avis ?
Faire court permet d’être plus inventif et de présenter le récit avec plus de finesse. Moins, c’est plus…
Pour voir Kötü Kiz, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4 et aux séances scolaires.