Dernier verre avec La Canoa de Ulises (Le canoë d’Ulises)
Entretien avec Diego Fió, réalisateur de La Canoa de Ulises (Le canoë d’Ulises)
Qu’est-ce qui vous a poussé à raconter une histoire sur la culture et les traditions guarani ? Et pourquoi autour d’un canoë ?
Ma première motivation, c’est la jungle. Depuis tout petit, je me sens attiré par la jungle. J’ai eu l’occasion de traverser l’Amazonie et j’ai toujours voulu réaliser un film dans ce cadre-là. Mais d’autre part, j’ai été motivé par le sentiment que l’on a une dette historique envers les populations natives d’Argentine. Au XIXe siècle, le génocide a été si révoltant et si violent qu’on ne peut pas en faire abstraction. En tant que réalisateur et scénariste, ce film est une façon de commencer à m’acquitter de cette dette. Le canoë représente le savoir-faire ancestral. Ce savoir-faire se transmet d’une génération à l’autre, mais le jeune Ulises n’a pas envie d’en bénéficier. Cette pratique est devenue obsolète de nos jours car l’industrie a remplacé la fabrication artisanale. Le canoë représente bien plus qu’une embarcation, c’est la reconnaissance de ses origines aborigènes, sa langue, ses croyances religieuses, etc. Voilà ce que représente le canoë, c’est la métaphore d’une culture qui tente de survivre.
Pouvez-vous nous parler du lieu de tournage et du casting ?
Le casting a été l’une des étapes les plus délicates, non seulement parce que cette région se situe à 1600 km de chez moi, mais aussi parce qu’il m’a fallu surmonter mon angoisse de ne pas trouver les bonnes personnes. En réalité, je les ai trouvés très vite et sans difficulté. Luis (Vaiyá) est un rappeur du coin et Isabelino (Itaité) est un sculpteur sur bois d’un village voisin. Ils n’avaient jamais été acteurs, ni l’un ni l’autre. Ils ne s’étaient même jamais retrouvés face à une caméra. Les dialogues du film sont en espagnol et en mbya-guarani. La traduction s’est avérée un bon moyen d’entrer en contact et d’établir la relation de confiance nécessaire. Au fil de la traduction, ils comprenaient l’histoire. Puis il y a eu les répétitions et nous avons très vite commencé le tournage. Et je trouve qu’ils s’en sont remarquablement bien tirés. En fin de de tournage, je travaillais avec deux acteurs. Ils étaient devenus acteurs.
Les Guarani sont-ils en contact avec les populations urbaines d’Argentine ? Les jeunes comme Ulises sont-ils plus enclins à fréquenter des citadins ?
Durant mon séjour, j’ai constaté que les jeunes baignaient dans la modernité. Ils vivent dans de petites communautés proches des villes, ils utilisent Internet, Facebook, Instagram, etc.Ils ont envie de faire partie de la culture occidentale, mais sont aussi fiers d’appartenir à la culture guarani. Cet antagonisme entre tradition et modernité n’existe pas que dans le film, c’est une réalité palpable au quotidien dans cette région.
Pouvez-vous nous raconter vos premiers pas en cinéma ?
J’ai fait mes armes dans l’audio-visuel en travaillant dans la publicité. Je travaille comme assistant réalisateur et chef de publicité depuis plus de dix ans. Mais récemment, je me suis tourné vers le cinéma et le documentaire. J’ai réalisé un documentaire, ARSAT-1, à la hauteur des étoiles, qui évoque la construction et la mise en orbite du premier satellite de communication fabriqué en Argentine. C’est un documentaire qui retrace sept années d’un projet aérospatial destiné à regonfler l’estime du peuple argentin en dépassant les limites inhérentes au tiers-monde. En ce moment, je diffuse le scénario de mon premier long métrage, intitulé La dent de Leon, et j’espère le tourner et le sortir dans les deux années qui viennent.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
J’adore les films de Paolo Sorrentino. J’y ressens une fabuleuse recherche esthétique en plus d’un style narratif très particulier qui me plaît énormément. Mais hier j’ai vu le film Il est de retour. Une merveille. Terrifiant, drôle, choquant, irrévérencieux, un récit bien mené et une remarquable interprétation de Hitler.En cinéma, je suis très ouvert. Je ne me limite pas aux grands noms ou aux acteurs connus. Pour moi, ce sont les histoires qui priment sur tout le reste, ou les thèmes abordés.
Si vous êtes déjà venu à Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous raconter une anecdote sur le festival ? Sinon, quelles sont vos attentes pour cette édition ?
C’est la première fois que je viens à Clermont-Ferrand. Je suis content d’y participer et j’en attends beaucoup. Je suis content d’avoir pu me libérer pour y aller. J’ai hâte de voir toute cette nouvelle production cinématographique du monde entier. J’espère aussi y trouver des amis ou simplement des gens avec qui je vais passer de bons moments et parler de notre passion commune : les films.
D’autres projections de votre films sont-elles prévues ?
Le film a déjà été projeté sur de nombreux festivals. La Havane, Biarritz, Huesca et beaucoup d’autres manifestations moins connues. On verra comment tourne le vent après Clermont. Pour l’instant, je suis comblé.
Est-ce que vous participerez à d’autres événements pendant le festival de Clermont-Ferrand (Expressos, conférences ou autre) ?
Je n’ai pas encore mon emploi du temps pour le festival, mais je vous tiendrai informés dès que j’en saurai plus. Merci de l’intérêt que vous portez à mon film. À bientôt à Clermont !
Pour voir La Canoa de Ulises, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I3.