Goûter avec Le plongeon du homard
Entretien avec Jenny Teng, réalisatrice du Plongeon du homard
Comment vous est venue l’inspiration pour Le plongeon du homard ? Pourquoi avoir choisi ce titre ?
L’idée est venue d’un conte zen, un empereur chinois donne la main de sa fille à qui trouvera le vase au fond du lac. Des milliers de prétendants plongent, certains si profonds qu’ils finissent noyés.
Le fils d’un pauvre cuisinier du royaume comprend qu’au lieu de plonger, il s’agit de grimper à l’arbre. Il trouve le vase caché entre les branches et obtient la main de la fille.
Le homard est un symbole de richesse, qui contraste avec la condition du personnage principal : il n’a même pas de quoi se payer un logement. Mais c’est par ce crustacé que Tamo peut avoir la chance de devenir cuisinier.
Le plongeon du homard se passe à Paris mais dans le Paris chinois. Aviez-vous particulièrement connaissance de cet univers ou l’avez-vous découvert en réalisant ce film ?
J’ai tenté de réinjecter des éléments de ce conte zen dans un contexte que je connais très bien. Ayant grandi dans le restaurant chinois où cuisinait mon père situé au cœur du treizième arrondissement de Paris, j’observais le ballet des commandes côté cuisine. Mon père et d’autres natifs de Chine et de Cambodge préparaient activement les plats envoyés en salle.
Le treizième a toujours été un quartier d’émigrés, pas forcément asiatiques. Son architecture chaotique de prime abord est passionnante à filmer, elle fait cohabiter dans un périmètre très restreint des sous-sols labyrinthiques, des tours hautes de trente étages et des galeries commerciales recelant de produits venus du monde entier.
Dans Le plongeon du homard, votre personnage principal vient d’arriver en France. Auriez-vous pu réaliser le même film avec un jeune français d’origine chinoise comme héros ? Selon vous, y a-t-il beaucoup de travailleurs immigrés dans les cuisines parisiennes ?
Les cuisines parisiennes vivent grâce aux travailleurs immigrés. Un jeune Français d’origine chinoise ne répondrait pas à cette réalité. Le film aurait posé d’autres questions comme celle d’avoir une double culture, du conflit avec la génération qui précède ne maîtrisant pas le français, et de sa place sociale qui découle de ces problématiques.
Comment avez-vous procédé au casting ?
J’ai travaillé avec Lucas Delangle, ancien élève réalisation de La Fémis. Nous avons mêlé casting sauvage et actrices professionnelles comme Yilin Yang et Clémentine Baert qui jouent respectivement Yin et Angélique. Le prétendant de cette dernière, Wang Langmen, joue aussi régulièrement, je l’ai rencontré sur le tournage d’une vidéo d’art de Pierre Huygues. Tandis que Tamo est joué par Chen Guan, jeune réalisateur rencontré via un cercle de jeunes Chinois cinéphiles et qui n’avait fait alors qu’une apparition dans un court métrage. Mickael Daï nous a été présenté par Stéphane Batut qui l’avait rencontré lors du casting de Gare du Nord, il joue le vendeur de bonbons.
Dans Le plongeon du homard, vos personnages sont particulièrement attachés à la région du Yunnan. Connaissez-vous cette région en particulier ? Qu’évoquait ce choix pour vous ?
Je suis allée en Chine pour la première fois il y a trois ans, c’est là où mes ancêtres et mes grands parents sont nés avant de migrer au Cambodge. Ils viennent d’une région du sud du Guandong près de Canton. Ce voyage a été un désenchantement par rapport au fantasme de muraille et d’empereur que j’avais depuis enfant. Quand j’ai lu La Montagne de l’âme de Gao Xin Yang, j’ai retrouvé dans les descriptions des artisans et des mythes qui circulent au Yunnan un monde non détruit par la globalisation économique, un monde habité entièrement par la pensée magique.
Le plongeon du homard est un film du challenge et de la persévérance. Dans votre activité de réalisation, y a-t-il aussi des challenges et de l’entêtement ?
Je ne sais pas s’il s’agit de challenge ou d’entêtement, mais il faut de la patience, de l’endurance, et une bonne santé.
Le plongeon du homard a été produit en France. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
Je n’ai pas une grande connaissance du court métrage. Etudiante à La Fémis, je n’ai pas encore eu affaire aux circuits officiels de financement. Il me semble qu’on a de la chance en France, au regard du nombre de courts métrages produits et de l’importance des festivals qui leur donnent une belle exposition. Reste à savoir si les films sélectionnés sont les plus intéressants au niveau de la forme, étant donné le souci d’efficacité qu’impose le format court.
Pour voir Le plongeon du homard, rendez-vous aux séances de la Compétition Nationale F11.