Goûter avec Les misérables
Interview de Ladj Ly, réalisateur de Les misérables
« Gavroche a traîné au Bosquet » : le parallélisme entre les jeunes protagonistes de votre film et le personnage hugolien a-t-il un point de départ ?
Oui évidemment, j’ai voulu traiter de cette jeunesse « des quartiers difficiles » complètement abandonnée par nos élites et livrée à elle-même dès le plus jeune âge. La plupart de ces jeunes sont déscolarisés sans perspective d’avenir et confrontés à cette misère sociale avec un taux de chômage qui avoisine les 40%. Donc « Gavroche traîne aux Bosquets », dans cette même misère, mais à une autre époque.
Les misérables met en scène un trio de policiers de la Brigade Anti Criminalité, pourquoi vouliez-vous aborder « l’esprit BAC » en particulier ?
Souvent dans ces quartiers difficiles, les seuls représentants de l’état sont les policiers et plus souvent les agents de la BAC qui font partie de la vie du quartier. Pour ma part, j’ai été longtemps confronté à cette BAC à une époque où je faisais du « copwatch », je filmais les policiers dans leurs interventions. Un soir d’hiver je suis tombé sur une bavure policière, j’ai filmé et balancé la vidéo sur internet… enquête de l’IGS*… 2 policiers suspendus.
Dans Les misérables, le rapport à l’écriture est évidemment très prégnant, quelle sensibilité avez-vous aux textes et à la littérature ?
Une partie de l’histoire (ndlr : du roman de Victor Hugo) se déroulant à Montfermeil, cela a éveillé ma curiosité. Le texte Les misérables m’a beaucoup touché alors que je ne suis pas un grand lecteur. Vis-à-vis du monument qu’est l’œuvre des Misérables, je n’ai aucun blocage.
Je respecte le texte sans en faire une œuvre intouchable, ce qui m’a permis d’écrire ma propre histoire et de continuer à développer un film pour le cinéma. D’ailleurs, une petite citation de Victor Hugo : « Aucun penseur n’oserait dire que le parfum de l’aubépine est inutile aux constellations ».
Dans Les misérables, vous dénoncez une certaine violence quotidienne. Comment avez-vous appréhendé cette violence et pourquoi vous intéressait-elle ?
J’ai grandi dans la cité des Bosquets, j’ai commencé à filmer en 1997 avec mon collectif Kourtrajmé productions et depuis vingt ans, je filme cette violence au quotidien. Je vous invite à voir mes films documentaires 365 jours à Clichy Montfermeil et Go fast connexion.
Cette violence fait partie du quotidien. Elle est devenue presque banale et j’ai voulu la dépeindre de la façon la plus véridique qui soit. Homme, « si tu veux savoir le vrai, cherche le juste ». (ndlr : citation de Victor Hugo)
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Voir du pays de Delphine et Muriel Coulin, La Vache de Mohamed Hamidi.
Pour voir Les misérables, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F7.
*ndlr : IGS = service de l’IGPN pour Paris et la petite couronne