Breakfast avec Limbo Limbo Travel
Entretien avec Zsuzsanna Kreif et Borbala Zétényi, co-réalisatrices de Limbo Limbo Travel
Limbo Limbo Travel est un voyage dans le monde du fantasme. D’où vous est venue cette idée ?
Zs: À l’origine, j’ai eu l’idée en lisant, dans le journal, une pub pour un voyage en car à Cuba réservé aux femmes. Je me suis imaginé de grosses femmes courant après de petits hommes dans un décor exotique. Le côté scandinave du début du film, ça m’est venu pour avoir passé cinq mois en Finlande, de la neige jusqu’au cou. En rentrant à Budapest, j’ai demandé à Bori si elle aimerait travailler avec moi sur cette idée de film qui parlerait de femmes tournant complètement folles pour des hommes, elle a accepté et on a commencé à tourner Limbo.
Peut-on en savoir un peu plus sur le pouvoir des « hommes moustachus » ?
B + Z : Le pouvoir des « hommes moustachus » réside dans leur innocence, leur capacité à exprimer librement leurs émotions et le fait qu’il est assez facile de comprendre ce qu’ils sont et ce qu’ils font. Leur vie n’a pas été gâchée par la civilisation occidentale, ils vivent complètement en marge de ce monde-là. Leur société repose sur des valeurs radicalement différentes, elle a ses principes propres, par exemple la fraternité, l’attention à l’autre (et à la mère). Ils sont à l’opposé des hommes toujours occupés de la ville, et c’est ce qui attire ces femmes vers cette île et ses hommes – bien que cela les mette en danger.
La première scène de votre film montre une société hyper connectée qui semble détruire les rapports humains. Pensez-vous que l’Internet, les Smartphones et les nouvelles technologies aggravent la solitude des gens ?
B : Ces choses ont le pouvoir de vous occuper toute la journée, certes, mais c’est le cas pour plein d’autres activités. Je pense qu’il est hypocrite de considérer que les Smartphones et Internet sont seuls responsables de la détérioration des relations humaines, de l’aggravation de la solitude et des problèmes de communication entre les gens.
Dans Limbo Limbo Travel, les personnages féminins, avec leurs désirs, leur peur de la solitude, leurs qualités personnelles et leur zèle à trouver l’amour, sont critiqués avec beaucoup d’humour. Pourquoi ce parti-pris de l’humour dans la narration ?
B + Z : Nous ne sommes pas très conventionnelles, ni l’une ni l’autre, alors on a voulu aborder le sujet d’un point de vue différent. On préfère toutes les deux faire rire et s’amuser en racontant notre histoire, je pense d’ailleurs qu’il est plus difficile de faire vraiment rire les gens que de les faire pleurer. Ici, il faut noter aussi que chacune de ces femmes représente un trait de caractère, exagéré à l’extrême, que l’on peut retrouver chez tout le monde. En s’en moquant, on se moque de nous-mêmes également, et de presque tout le monde du même coup, car ces traits se retrouvent en chacun de nous.
Vous travaillez en duo, comment vous partagez-vous le travail ?
Z : On a eu la chance de parvenir à se partager toutes les étapes de la réalisation du film. D’abord, on a passé beaucoup de temps à dessiner et à écrire dans des carnets tout ce qui nous passait par la tête, afin de créer un univers visuel qui nous convienne à toutes les deux. Le plus important, dans notre collaboration, c’est qu’on a réussi à s’entendre et à se faire rire mutuellement pendant trois ans et demi – le temps qu’on a passé à faire le film.
Limbo Limbo Travel est-il un premier film ? Avez-vous des projets de films, long ou court métrage ? Des projets communs ?
Z : Oui, Limbo Limbo Travel est notre premier film à toutes les deux. Je travaille actuellement comme réalisatrice sur le premier épisode d’un dessin animé pour la télé, une adaptation libre de Candide. Même si on a commencé à travailler sur des projets distincts, on continue à en parler ensemble, à partager nos avis.
B : Oui, c’est un premier film ! En ce moment quand on travaille ensemble, ce n’est pas sur un projet à nous. On a envie de refaire un film à deux ensemble, mais on n’a rien défini de précis pour l’instant.
Souhaitez-vous continuer dans l’animation ou travailler avec des acteurs ?
B : Personnellement, je préfère largement rester dans l’animation, je ne pense pas que ça me plairait de diriger des acteurs. Bien sûr, ça peut toujours évoluer à l’avenir, mais mon univers, à la base, c’est celui de l’animation, et ce sera toujours le cas.
Z : C’est pareil pour moi. Je me sens plus à l’aise avec le fait de dessiner 100 hommes nus qu’avec l’idée de les diriger.
La langue parlée dans Limbo Limbo Travel existe-t-elle ou est-elle complètement inventée ?
Complètement inventée. 🙂
Enfin, Limbo Limbo Travel a été produit en France. Selon vous, dans le court métrage, qu’est-ce que la production française apporte que les autres n’ont pas ?
B : C’était formidable de travailler en co-production pour notre premier film. Cela nous a permis d’avoir d’autres regards et de remanier nos idées plusieurs fois. Les deux studios français qui ont co-produit Limbo Limbo Travel ont des équipes d’un niveau exceptionnel de compétence et de professionnalisme.
Pour voir Limbo Limbo Travel, rendez-vous aux séances de la Compétition nationale F11.