Lunch avec Samedi
Entretien avec Hannibal Mahé, réalisateur de Samedi
Comment vous est venue l’inspiration pour Samedi ? Avez-vous fait des recherches auprès de « jeunes délinquants » ?
Étant réalisateur de clips, je côtoie des jeunes, j’entends et vois leurs histoires. Certaines d’entre elles sont capables d’inspirer tout scénariste à proximité. Le point de départ de Samedi est une courte cavale. Les personnages et l’itinéraire tiennent de différents témoignages.
Le personnage principal, bien qu’assez jeune, est déterminé et affiche une grande assurance. Comment avez-vous construit ce personnage ?
Comme tout scénariste : en m’inspirant de figures que j’ai pu croiser. Sa détermination, il la doit certainement à la rue.
Pourquoi étiez-vous intéressé par la période de l’adolescence ?
Parce que tout le monde la connaît vu qu’on y est tous passé et que je n’ai pas encore la chance d’avoir l’âge requis pour parler de la vieillesse.
Dans Samedi, vous donnez à voir toute la violence et l’absence de pitié dont est capable un adolescent. Vouliez-vous donner à voir la réalité de l’enfance, ce monde que les adultes semblent avoir oublié ? Êtes-vous intéressé par la bascule entre spontanéité et brutalité ?
La rue est violente. Mes personnages le sont donc à leur manière, puisqu’ils y sont issus en grande partie. C’est une réalité qu’on ne peut pas ignorer quand on parle d’un jeune en cavale. Ce qui m’intéressait dans cette histoire se trouve dans la réponse à la question suivante.
Pourquoi vouliez-vous donner à voir les différentes bascules qui l’amènent à prendre la mauvaise route ? Comment avez-vous pensé la perte de repères pour ce personnage ?
Dans Samedi, le personnage fuit le passé, veut vivre sa vie au présent et ne pense pas au futur. Certains diront qu’il est sur la mauvaise route, d’autres verront qu’il veut simplement profiter de sa vie.
Votre personnage principal est à la fois touchant et agaçant. Comment écrit-on cette dualité ?
En aimant un personnage qu’on détesterait s’il n’était que figurant. Un personnage qui fait tous les choix contraires à la logique du spectateur.
Avez-vous pensé le film comme tel ou avez-vous envisagé un « avant » et un « après », un « pourquoi » ?
Pour mes propres besoins scénaristiques, travailler sur un « avant » est obligatoire. Le reste appartient au spectateur.
Dans Samedi, vous abordez le rapport de la jeunesse au tabac, à l’alcool et à la drogue, pourquoi vouliez-vous donner à voir cet aspect ?
Parce qu’il fait partie de leur quotidien.
Le jugement des mineurs se situe toujours quelque part entre éducation et répression. À quel moment l’éducation perd-elle pied face aux réalités des enfants ? À quel moment la répression est-elle une bonne solution ? La répression peut-elle enfermer un jeune dans une spirale de délinquance ? Et l’éducation ?
Si seulement on pouvait avoir une réponse précise à ces questions, ça éviterait bien des problèmes…
Ce personnage, en pleine émancipation, semble en rupture avec sa famille, qui n’a pas l’air de partir à sa recherche. L’émancipation peut-elle se faire dans ce cadre ? Nécessite-t-elle d’ailleurs une rupture avec la famille ?
Pas forcément. Le personnage réfléchit très simplement : « soit tu es avec moi, soit contre moi ». Famille, justice, amis, pas de demi-mesure. Sa famille aimerait qu’il se rende à la justice ; cela lui semble impossible, il coupe donc les ponts avec ce qui lui reste de famille.
Comment avez-vous écrit les personnages adultes et quel effet vouliez-vous donner à voir ?
De la même manière que pour les jeunes : en m’inspirant de figures réelles. Et en montrant aussi que les adultes ont également leurs propres problèmes. Ce qui a pour conséquence que tout le monde se fout des problèmes du personnage principal.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule « familiale » et la « méga » cellule sociétale ?
Le court métrage est un exercice. On peut y aborder des sujets tels que ceux mentionnés ci-dessus, mais par la durée du film, c’est beaucoup plus difficile de les traiter à juste mesure contrairement au long métrage (fiction ou documentaire), qui permet plus facilement d’ouvrir un débat sur le/les sujet(s) traité(s).
Samedi a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
Samedi est une auto-production française, tournée en Belgique. Il a donc été construit en fonction de la région d’Anderlecht et y a intégré des caractéristiques belges. De ce fait, Samedi est pour moi bien plus belge que français.
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Pour voir Samedi, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.