Goûter avec Rase campagne
Interview de Pierre-Emmanuel Urcun, réalisateur de Rase campagne
Comment avez-vous choisi le lieu de tournage ?
Les monts d’Arrée est un lieu très particulier connu de tous les finistériens. Un lieu qui paraît hors du temps. Par ses couleurs ocres et ses vieilles montagnes aux roches si particulières, c’est un lieu de randonnée et d’évasion. Je m’y suis souvent baladé. Cela faisait longtemps que je souhaitais y tourner, j’attendais juste la bonne occasion. Quand j’ai écrit Rase campagne, ce fut une évidence. D’abord pour le pied de nez, contrairement à ce qu’indique le titre du film, les paysages vallonnés des monts d’Arrée vient donner une touche contradictoire à cette notion de campagne morne et plate. Enfin, je voulais injecter une touche western dans l’esthétique du film et la lande ocre des monts d’Arrée et la diversité de ses vastes paysages s’y prêtaient parfaitement.
Et en quoi le paysage rural vous intéressait ?
J’ai grandi en ville mais je passais pas mal de temps à la campagne en famille ou chez les amis qui venaient de l’arrière-pays de Brest pour étudier et qui y retournaient le week-end. C’est un espace qui m’est familier mais que j’ai un peu perdu de vue, qui me manque alors je voulais m’en rapprocher un peu…à ma manière.
Comment avez-vous eu l’idée du personnage du jeune Rémi au milieu de cette traque ? Pourquoi était-il important ?
Le personnage de Rémi – il s’appelle Angel -, je l’ai rencontré un soir, autour d’une bière. Ce fut comme un flash. Difficile de savoir pourquoi. Sa façon d’être, son regard beau et candide, son petit cheveu sur la langue ? Je ne sais pas. Je ne savais pas non plus quand nos chemins allaient se croiser de nouveau mais c’était encore un fois écrit. Quand l’idée de Rase campagne s’est matérialisée, j’ai tout de suite voulu organiser la rencontre entre Ludovic qui est un « vieux » compagnon de route et Angel pour faire vivre un duo : la rencontre entre un bloc minéral et une jeune brise fraiche et insouciante… Rémi ne peut exister sans Michel et Michel ne peut exister sans Rémi. C’est cette dualité et cette complémentarité qui m’a intéressé. J’adore la notion de duo au cinéma. Ils étaient faits pour se rencontrer. Dans un sens, je n’ai joué que le rôle d’entremetteur…
Après, le personnage de Rémi, timide, jeune et naïf, est un témoin qui n’a pas encore tout à fait forgé sa propre conscience du monde. Il voit bien que quelque chose ne tourne pas rond mais ne peut l’identifier. Faute de comprendre, il suit et observe. Au fil de l’investigation, il commencera à questionner, à mettre en doute et finira par comprendre au terme de cette journée un peu plus sur la vie. Il incarne la nouvelle génération rurale face à l’ancienne campée par Ludovic.
Dans Rase campagne, vous abordez la question des relations humaines et placez vos personnages dans un petit cercle défini par une proximité géographique immédiate. Pourquoi vouliez-vous « cadrer » sur un groupe de personnes « local » ?
Je voulais avant tout faire un film sur l’amitié. Après, si l’on ajoute la notion d’entre-soi, ça donnait à peu près la géométrie des relations que je voulais établir entre les personnages. En court métrage, nous avons peu de temps pour exprimer la complexité d’un personnage, je voulais que l’on passe du temps avec Michel et Rémi et charger les autres personnages secondaires à leur contact. Ainsi, les vies des uns et des autres s’entremêlent et dressent peu à peu la cartographie émotionnelle des personnages.
Vous questionnez aussi la notion de distance elle-même, distance relationnelle, distance géographique… distance dans le temps aussi ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette thématique ?
Chaque film crée sa propre mythologie, son propre univers, trouver cette alchimie entre les personnages, l’esthétique et la narration consiste à trouver cette distance juste…
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Hélas, l’année dernière je n’ai pas été suffisamment au cinéma pour tomber sur un coup de cœur… J’espère me rattraper en 2017 et faire les bons choix…
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
Nous avons eu la chance de venir il y a deux ans avec les comédiens du film Le dernier des Céfrans pour sa première sortie publique (voir interview, ndlr). Nous avions passé une très belle semaine à partager le film avec le public de Clermont-Ferrand. Des anecdotes, nous en avons plein. C’était très riche en émotions vu que c’était la première fois que le film était projeté. Le fait d’avoir eu le Prix Canal+ avait bouclé la boucle…Du coup, c’est avant tout un souvenir global que je conserve.
Le film a-t-il bénéficié d’autres diffusions publiques ?
En avril sur Canal+, qui est partenaire du film.
D’autres participations sont-elles prévues durant le festival (rencontres, expressos, etc.) ?
Non pas pour l’heure, nous venons à peine de terminer le film, Clermont-Ferrand est sa première sortie.
Pour voir Rase campagne, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.