Breakfast avec Red Hill (La colline rouge)
Entretien avec Laura Carreira, réalisatrice de Red Hill (La colline rouge)
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Red Hill (en tant que lieu) ?
Le titre vient du nom de l’endroit où Jim est chargé de la sécurité. Une partie du film se déroule dans le terril d’une ancienne mine, devenu un site d’extraction des agrégats laissés après son exploitation. Nous trouvions à ces tertres rouges, composés de matière brûlée, une vraie force symbolique du fait que Jim y passe les dernières années de sa vie active isolé, la nuit, à faire des rondes sur une colline qui est le témoin non seulement de l’histoire de l’Écosse industrielle mais aussi de son travail en tant que mineur.
Qu’est-ce qui vous a inspiré le personnage de Jim ?
Il y a trois ans, Ramón, coscénariste, et moi, parcourions l’endroit pour un autre projet quand nous sommes tombés sur le site de Red Hill. Ces étranges collines rouges que nous avions aperçues depuis le train Edinburgh-Glasgow nous avaient intrigués, nous y sommes donc retournés en voiture pour voir ça de plus près. Et là, nous avons rencontré Jimmy, dont le personnage de notre film s’inspire vaguement. Jimmy, qui assurait la sécurité de l’endroit la nuit, venait de prendre son tour de garde et nous a accostés parce que nous avions enfreint la propriété. La discussion s’est alors engagée et il nous a très généreusement raconté ce qu’il savait de ce lieu et un tas d’autres choses : qu’il était sur le point de prendre sa retraite, qu’il avait travaillé dans la mine depuis son plus jeune âge, il nous a même montré un morceau de charbon qu’il garde toujours dans sa poche en souvenir de ce temps-là. Cet échange a donné envie à Ramón de faire un film sur un mineur et quelques années plus tard, nous avons décidé d’écrire ce film ensemble. Nous voulions faire un film qui témoigne non seulement du combat de Jim, qui après avoir passé tant d’années à travailler si dur a encore besoin de ce job, mais aussi de ce qu’il représente de façon plus universelle sur la relation qu’on entretient avec le travail et celle que l’on entretient avec la société en tant que travailleur. Et l’année dernière, nous avons filmé l’histoire de notre Jim, dans la caravane que le vrai Jimmy avait déserté, puisqu’il avait pris sa retraite quand nous avons été prêts pour le film.
Comment c’était de filmer sur place ?
C’était vraiment bien de pouvoir filmer sur ce site sans lequel notre projet n’aurait pas pu se faire et parce que c’était bien de tourner sur le lieu qui avait inspiré le projet. Avec Karl, le chef opérateur, nous avons toujours filmé sur site et sommes habitués à tous les impondérables que ça suppose. Mais là, comme le scénario a été écrit à partir du lieu, on ne pouvait rêver mieux. Nous avons filmé certaines scènes pendant les heures de travail et certains salariés nous ont donné un vrai coup de main quand ils ont vu à quel point notre toute petite équipe avait besoin d’aide. L’un deux a même participé à l’éclairage de toute une scène et quand un figurant nous a lâché en dernière minute, il était ravi de le remplacer.
Pouvez-vous nous parler de votre formation à la réalisation et de vos influences cinématographiques ?
J’ai commencé à étudier le cinéma à 15 ans dans des écoles d’art ce qui m’a conduite à toujours considérer le cinéma comme une forme d’art plutôt que comme un divertissement. J’ai toujours été partagée entre l’envie de faire des documentaires et celle de faire des fictions. Du coup, j’ai pratiqué jusqu’à présent un genre hybride, bien que beaucoup de gens considèrent Red Hill comme un documentaire. Pour ce qui est de mes influences, je pense que les frères Dardenne m’ont beaucoup inspirée à mes débuts. Je trouve que s’intéresser comme ils le font à des personnages et des histoires que le cinéma a plutôt tendance à ignorer est une démarche très téméraire, et j’ai eu envie de les suivre sur cette voie.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
La plus évidente, c’est qu’il m’a permis de poursuivre mon travail. J’en avais assez de passer mon temps à attendre les refus de financement et j’ai décidé de m’autoproduire. Dans l’ensemble, ça a été un vrai combat pour obtenir des financements et faire une carrière en tant que réalisatrice. C’était possible pour moi de financer un court métrage avec mes économies et la générosité de tous ceux qui se sont investis dans la réalisation de ce film. J’aimerais beaucoup passer au long mais il me faudra être patiente et persistante parce que je ne crois pas que je pourrai autofinancer…
Pour voir Red Hill rendez-vous aux séances de la compétition internationale I4.