Breakfast avec Retour
Entretien avec Pang-Chuan Huang, réalisateur de Retour
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la mise en parallèle de deux récits plutôt que dans la présentation d’un seul ?
Toutes les histoires dans ce film sont adaptées aux mémoires de mon grand-père, qu’il a écrites ou dont il a parlé une dizaine d’années avant son décès. Je ne suis pas à sûr à cent pour cent de la véracité de ses souvenirs. J’ai donc préféré les mélanger avec ma propre expérience de ce retour, entre le sommeil et le réveil pendant un long voyage, comme un rêve que j’ai eu dans le train.
Avec quels appareils avez-vous pris les images de votre voyage tel qu’il est décrit dans Retour ? Avez-vous entrepris de filmer certaines parties davantage que d’autres ?
J’ai utilisé 4 appareils photos : un appareil photo normal, et les 3 autres s’appellent “Canon EE demi 17”, ce sont les appareils photos en demi-format. Ils peuvent prendre 72 images au lieu de 36, en utilisant la pellicule normale 24 x 36. L’intérêt de ce format n’est pas seulement l’économie de pellicule, mais c’est aussi un choix symbolique car c’est le format de film muet. J’en ai préparé 3 pour le voyage parce que ce sont des appareils photos « d’amateur”, ils ne sont pas très solides ni stables. Au milieu de la Sibérie, ils étaient tous en panne, mais heureusement, j’en avais prévu un autre.
Pourquoi avez-vous choisi la période du passage à la Nouvelle Année du calendrier grégorien pour entreprendre ce trajet ?
La Nouvelle Année, dans toutes les cultures du monde entier, est toujours considérée comme un moment de retrouvailles avec sa propre famille, cela est très cohérent avec le sujet Retour. Par contre, ce n’est toujours pas une bonne idée de faire un voyage en février pendant la période du nouvel an chinois en Chine (surtout en train). Il y a un mot sur Wikipédia qui décrit ce phénomène : “Chunyun”.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la guerre et les massacres décrits dans le récit de l’autre protagoniste ?
Selon ma réponse à la première question, j’ai effectivement enlevé les dates et les endroits précis de l’histoire. Les deux guerres dont je parle dans le film sont la guerre sino-japonaise et la guerre civile entre les troupes du PPC de Mao et celles du Kuomintang de Tchang Kai-Chek, ce qui a provoqué l’exil à Taiwan.
Le massacre à la fin du film s’appelle “l’Incident 228” en 1947. À cette époque, Taiwan venait de passer la période de la colonisation japonaise, la plupart des taïwanais parlaient donc le japonais et le dialecte taiwanais, mais les soldats chinois parlaient le mandarin ou les dialectes chinois. Ils ont envahi et tué beaucoup de taiwanais à cause de la barrière de la langue et de la culture. (Référence : le film de Hou Hsiao-Hsien, La cité des douleurs)
Pourquoi ne vouliez-vous pas qu’il y ait de temps de silence dans Retour ?
Comme pour ma réponse à la deuxième question, au début je voulais faire le montage physiquement, c’est-à-dire coller toutes les pellicules ensemble et imprimer en positif. Mais faire ce film sans musique et son, ce n’est pas possible. Lim Giong, le compositeur de ce film (également le compositeur de Millennium Mambo, Assassin, etc.), et sa musique m’a énormément aidé, c’est une merveilleuse expérience de travailler avec lui.
Depuis le tournage, avez-vous eu l’occasion d’entreprendre d’autres voyages ?
Oui, J’ai fait beaucoup de voyages. D’habitude, mes projets se concentrent sur 3 éléments : le voyage, la pellicule et la mémoire. Je suis en train de préparer mon nouveau film. Ce sera un voyage aux alentours de mon pays : Taiwan.
Selon vous, pourquoi part-on et pourquoi rentre-t-on ?
Notre départ est toujours pour notre retour !
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Oui, on peut toujours garder la simplicité dans le court métrage. La chose la plus simple est toujours la meilleure !
Pour voir Retour, rendez-vous aux séances de la compétition labo L4.