Dernier verre avec Tienminutengesprek (L’école est finie)
Entretien avec Jamille van Wijngaarden, réalisatrice de Tienminutengesprek (L’école est finie)
Que vouliez-vous exprimer ou montrer à travers la crise de nerfs de cette institutrice ?
Je voulais montrer cette femme minée par tant d’années passées à subir le regard des parents d’élèves, et qui explose enfin et déverse toute sa colère. Et je voulais le faire de façon à ce que le spectateur compatisse avec elle, bien qu’elle dépasse outrageusement les bornes. Lorsque la tension monte autour de la définition de la virilité, je voulais transformer le personnage de l’institutrice en un véritable « mâle dominant à la Rambo ». La salle de classe devient peu à peu une jungle dans laquelle c’est elle qui fait la loi. Et c’est avec beaucoup de passion qu’elle donne à cette maman la virilité qu’elle lui demandait.
Y a-t-il des éléments tirés de votre expérience personnelle ?
Je dois avouer que je n’ai jamais vu un enseignant péter les plombs à ce point, ha ha ! Mais la gronde des enseignants aux Pays-Bas est un sujet bien réel. On entend parler dans la presse des grèves liées aux mauvaises conditions de travail, un problème que l’on connaît bien. Ce qu’il y a de plus personnel dans le film, c’est la question de la différence entre les sexes. Quand j’étais petite, je n’aimais pas le fait que certaines activités soient qualifiées de « pour les garçons ». Qui a dit que les filles ne pouvaient pas faire du skate-board ou du VTT ? Voilà qui m’a toujours dérangée, mais heureusement, c’est devenu un véritable débat qui a ouvert les esprits sur ces questions.
Votre film est une comédie noire. Est-ce un genre que vous souhaitez développer ? Quel autres sujets ou genres aimeriez-vous aborder ?
J’aime raconter une histoire à travers la comédie, cela permet de mieux faire passer des sujets sérieux auprès du public. C’est bien d’être à cheval entre l’humour et le drame, je trouve que cela donne plus de peps à l’humour. J’aime bien imaginer des univers un peu décalés. Et je pense que le cinéma permet de le faire avec une grande liberté. Je prends toujours cette direction dans mon travail, et je continuerai, dans quelque genre que ce soit. J’ai également toujours été attirée par les films d’horreur, et j’aimerais jouer plus sur le mélange entre l’horreur et la comédie.
Quel est votre parcours de cinéaste ?
Depuis toujours, j’ai une passion pour les histoires racontées avec des images. Enfant, j’adorais dessiner et j’ai fait un paquet de bandes dessinées. Plus tard, je prenais le caméscope de mon père pour réaliser de petites comédies d’horreur pendant les vacances, en faisant jouer les membres de ma famille. Et j’ai fini par faire mes études à l’école de cinéma d’Amsterdam, où je me suis formée en tant que réalisatrice. Après mon diplôme, en 2014, j’ai eu le plaisir de réaliser plusieurs publicités, des séries télé et des courts métrages : un film en réalité virtuelle, Ashes to Ashes, et un film d’animation, Catastrophe.
Quelles sont les œuvres ou les films qui vous ont inspirée ?
Quand j’ai réalisé mon premier film d’horreur fait maison, je me suis inspirée du Projet Blair Witch. C’est là que j’ai compris qu’avec très peu de moyens, on pouvait faire quelque chose de percutant. Qu’il suffit d’avoir une bonne histoire et l’ambition de la mettre à l’écran. Aujourd’hui, j’admire beaucoup le travail de Taika Waitiki. Surtout ses films Boy, À la poursuite de Ricky Baker, et Vampires en toute intimité, qui ont tous un humour qui me correspond. Pour L’école est finie, je me suis inspirée des films des frères Coen. J’adore leur humour très spirituel et l’intelligence de leur technique cinématographique. Et le film Carnage de Roman Polanski m’a également inspirée. Un peu comme dans L’école est finie, la scène commence dans le calme et l’on voit deux couples qui font connaissance. Mais la tension monte entre les personnages et petit à petit, la situation dégénère en bagarre générale. Un film super bien fait. Les films d’Edgar Wright sont aussi une grande source d’inspiration. L’humour est travaillé visuellement, grâce au montage et à la technique, c’est une belle leçon de cinéma.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je pense qu’il me permet de réaliser une œuvre qui porte vraiment ma signature de réalisatrice. En poussant peut-être à prendre plus de risques, sans se mettre la pression du succès commercial, c’est un outil génial pour montrer ce que je sais faire et ce que l’on peut attendre de moi à l’avenir, que ce soit pour des courts métrages ou des formats plus longs.
Pour voir Tienminutengesprek (L’école est finie), rendez-vous aux séances du programme I7 de la compétition internationale.